Révision constitutionnelle au Bénin : les députés opposent un veto définitif ?

C’est une gifle politique pour le président béninois. A trois voix près, les députés ont encore opposé leur veto, après un débat houleux et nourri par des accusations d’achats de voix, à l’examen en procédure régulière du projet de réforme constitutionnelle porté à bout de bras par Patrice Talon. Bien avant ce « niet » catégorique, l’Assemblée nationale avait retoqué l’examen en procédure d’urgence interprété comme une volonté présidentielle de faire passer le texte au forceps. Le président choisira-t-il la voie du référendum ou va-t-il abandonner cette réforme qui lui est chère? L’avenir de la révision Talon est plus que jamais menacé.
Ibrahima Bayo Jr.

Patrice Talon vient-il d'enregistrer sa première défaite politique depuis son arrivée au Palais de la Marina ? La question se pose après le surprenant échec présidentiel à recueillir la majorité des trois quarts des votes pour valider son projet de réforme de la constitution de décembre 1990.

Débats houleux sur fond d'accusations d'achats de voix

Lors de la séance plénière, les 85 députés de l'Assemblée nationale de Porto-Novo se sont relayés à la tribune pour des débats houleux qui auront occupé une bonne partie de la journée du mardi 04 avril au point d'être interrompus deux fois. La doyenne des députés et ex-première dame, Rosine Soglo (83 ans) a dénoncé un « achat de conscience » de certains députés qui auraient reçu des « millions » pour faire passer le texte. Une manœuvre qui ne portera pas ses fruits.

Au final, soixante députés ont voté pour l'examen du texte en procédure régulière et vingt-deux d'entre eux, pour des raisons diverses notamment le manque de concertation autour du texte, ont rejeté l'examen du texte tandis qu'un député s'est abstenu de voter. Sans la majorité des trois quarts, le texte, rejeté en procédure accélérée, est retoqué en procédure régulière. « Voilà un problème de régler ! », a lancé le président de l'hémicycle avant de clôturer la séance.

« C'est une victoire du peuple et non d'un camp contre un autre », a analysé le député d'opposition, Léonce Houngbadji. Depuis l'ouverture des débats sur le projet, un rassemblement de citoyens hostiles à la révision, avait tenté d'exercer une pression sur les députés pour u rejet du texte. Une femme habillée aux couleurs nationales, drapeau béninois à la main, avait tenté de pénétrer dans le bâtiment de construction coloniale abritant l'Assemblée.

Le référendum, l'issue de secours de Patrice Talon

Opacité, manque de concertation et de consensus nationaux autour du texte sont les griefs les plus fréquemment reprochés à cette révision constitutionnelle qui divise jusque dans le camp présidentiel avec la démission de Candide Azannaï, ex-ministre de la Défense et un des grands soutiens du Président en exercice. La réforme voulue par le président envisageait d'introduire dans la loi fondamentale, entre autres mesures, un mandat présidentiel unique de 6 ans, le financement public des partis politiques et la féminisation des institutions.

Quel avenir pour le texte de Patrice Talon ? La première « faute politique » retenue contre le président est le non-respect de sa promesse de faire passer sa réforme en consultant le peuple par voie de référendum. En choisissant le forcing de la procédure accélérée, puis par contrainte, la procédure régulière, l'homme du Palais de la Marina s'est posé comme quelqu'un qui ne tient pas promesse.

Aujourd'hui, les analystes rappellent que cette faute aura coûté cher au Président face à un peuple jaloux de ses acquis démocratiques avec une constitution inchangée depuis 27 ans dans un pays perçu comme un modèle de démocratie en Afrique de l'Ouest. C'est d'ailleurs cette opposition qui avait prévalu lors de la tentative de modification pour faire sauter le verrou constitutionnel du second mandat de Thomas Boni Yayi.

Aujourd'hui, l'option qui s'offre au président Talon est celle de l'ouverture d'une consultation nationale où son projet sera passé à la loupe et discuté point par point pour ensuite le faire valider par voie référendaire. A moins que le président ne décide de jeter l'éponge pour éviter un rejet par le peuple dont les priorités sont dans le social. Ce qui serait un revers encore plus cinglant !

Ibrahima Bayo Jr.

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