Gambie : que va chercher Adama Barrow en Europe ?

Hésitant, parfois même mal à l'aise, à la limite nonchalant, Adama Barrow s’est prêté au jeu des questions dans une interview exclusive accordée à la chaîne TV5 Monde. En marge de sa tournée européenne entamée ce mercredi 15 mars par la France, le président gambien veut montrer la nouvelle Gambie post-Jammeh après une crise post-électorale qui aura tenu le monde entier en haleine. Au-delà de ce culte de l’image, que va chercher Adama Barrow en Europe ?
Ibrahima Bayo Jr.

Soixante-douze heures pour convaincre ! C'est en résumé l'exercice titanesque auquel se prête le nouveau président gambien avec sa première tournée internationale hors du continent. Adama Barrow a posé ses valises à Paris depuis ce mercredi 15 mars pour une visite de 48 heures chez François Hollande. Il devrait ensuite se rendre à Bruxelles pour rencontrer les dirigeants de l'Union européenne.

Une mini-tournée européenne destinée à repositionner la Gambie post-Jammeh sur la carte du monde et la rendre détectable sur les radars des investisseurs étrangers et des institutions et blocs régionaux internationaux. Pourtant, pour les pays européens plusieurs intérêts stratégiques sous-tendent cette visite d'Adama Barrow.

1-    Un plan Marshall pour marquer le retour de l'Europe en Gambie

« Les caisses [de l'Etat en Gambie, ndlr] sont vides », confirme Adama Barrow lors de son interview à TV5. Début mars déjà, les autorités gambiennes indiquaient que l'ancien président, alors en partance pour un exil en Guinée Equatoriale, aurait emporté dans les poches de son boubou blanc, la rondelette somme de 8 millions de dollars détournés via une société-écran.

L'argument fera mouche auprès des donateurs et investisseurs européens auprès de qui le président sollicite des fonds pour la relance économique du pays. L'Union européenne a déjà proposé un plan Marshall de 225 millions d'euros dont 75 millions ont déjà été versés dans les caisses étatiques gambiennes. Il reste un reliquat de 150 millions d'euros qu'Adama Barrow souhaite recevoir pour lui « permettre de lancer beaucoup de réformes, notamment sur la sécurité et pour les écoles ».

A vrai dire, chassée de la Gambie sur fonds de relations exécrables avec le régime Jammeh, l'UE marque son grand retour tout comme les institutions internationales poussées vers la sortie sous les accusations de « néo-colonialisme ».

2-    Adama Barrow, VRP d'une Gambie qui se rêve francophone

La tradition aurait été de voir Adama Barrow à Londres pour sa première visite à l'international. Il semble que celle-ci se soit rompue avec une Gambie qui n'a pas encore retrouvé sa famille du Commonwealth et qui a reçu en février, Boris Johnson, le chef de la diplomatie britannique.

En atterrissant à Paris, Adama Barrow a enfilé son boubou de VRP avec des entretiens avec le ministre français de l'Economie, le patronat français ou encore l'Agence française de développement, bras financier de l'Etat français en matière d'aide et de subventions. Le jour n'est pas loin où l'on verra des entreprises françaises comme Bolloré, Eiffage, Orange... avoir pignon dans les rues gambiennes.

Même si Adama Barrow avait exclu toute entrée de la Gambie dans le cercle du Franc CFA, le troisième président de la Gambie a évoqué la question du renforcement de l'enseignement de la langue française dans les établissements gambiens. C'est en réalité un tremplin pour préparer (peut-être), à long terme, l'entrée de la Gambie dans la francophonie. Plusieurs commentateurs voient dans ce rapprochement, la main invisible du voisin sénégalais.

3-    L'avenir de Jammeh en question ?

« Je n'ai reçu aucune information ni directe ni indirecte [sur l'ancien président Yahya Jammeh, NDLR] », indique Adama Barrow. Presque dans la naïveté, le nouvel homme fort de Banjul a révélé avoir enclenché des procédures pour récupérer les millions de dollars supposément détournés par l'ancien homme de Kanilaï. Selon des informations livrées par le nouveau président, la somme emportée par Yahya Jammeh s'élèverait à 4 milliards de Dalassis soit 85 millions d'euros.

A la perspective d'un possible retour en Gambie de l'ancien président, Adama Barrow indique que dans l'impossibilité de garantir la sécurité de Yahya Jammeh, son retour est une perspective lointaine. Lointaines sont aussi les perspectives de voir Yahya Jammeh être traduit devant la Cour pénale internationale (CPI) que la Gambie d'Adama Barrow a réintégré. Face aux envies de « vengeance », l'ancien président coule des jours « heureux » dans un ranch -mis à disposition par son hôte équato-guinéen- où il s'adonne à l'agriculture !

Ibrahima Bayo Jr.

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