RDC : un accord sous réserve

Avec la nouvelle année, les Congolais sont entrés dans une nouvelle ère politique avec la signature sous réserves de l'accord politique entre la majorité et l'opposition. De quoi présager la première transition pacifique du Congo depuis son indépendance. Mais l'encre sur le texte n'avait pas encore séché que les premiers anicroches ont surgi sur l'applicabilité des dispositions de cet accord obtenu au terme d'intenses tractations.
Ibrahima Bayo Jr.

« Après un accouchement dans la douleur, le bébé est là ». C'est avec soulagement que l'abbé Donatien Nshole, le secrétaire général de la Cenco a annoncé la bonne nouvelle aux 85 millions de Congolais. Et l'ecclésiastique a à peine grossi le trait de la métaphore. Il aura en effet fallu trois longues semaines ponctuées de tractations, de navettes des évêques-médiateurs, d'agacement de certains acteurs, de menaces d'abandon ...et de prières. Mais au final, dans la nuit du réveillon du samedi 31 décembre, opposition et majorité ont dû mettre de l'eau dans leur vin pour offrir sobrement aux Congolais, un accord politique en guise de cadeau de fin d'année.

Un accord qui empêche Kabila d'être président de la RDC après 2017

Sous l'égide des évêques, les représentants du pouvoir et de l'opposition du Rassemblement ont paraphé, au centre interdiocésain de Kinshasa, un « accord global et inclusif » pour la gestion de la transition politique de cette ancienne colonie belge d'Afrique centrale qui n'aura connu aucune transition sans heurts depuis son indépendance en 1960.

Noir sur blanc, le texte d'accord définit les contours de la gestion du pays jusqu'à l'organisation des prochaines élections. Les négociations ont débouché sur le maintien au pouvoir de Joseph Kabila jusqu'à la fin 2017, même après l'expiration de son second et dernier mandat constitutionnel, expiré depuis le 19 décembre dernier et prolongé par l'accord à la Cité de l'Union africaine sous l'égide du médiateur Edem Kodjo.

Au pouvoir depuis 2001, le président congolais, qui selon l'accord ne pourra ni briguer un troisième mandat ni réviser la constitution, devrait passer le relais à son successeur au terme d'une élection présidentielle prévue à la fin de l'année prochaine.

Dans les dispositions prévues par l'accord, la cohabitation dans l'exécutif avec un poste de Premier ministre qui va être choisi dans les rangs de l'opposition du Rassemblement. On pourrait s'acheminer vers la démission ou la destitution de Samy Badibanga désigné en septembre. Il pourrait bien être le premier ministre le plus éphémère de la RDC.

L'année 2017 sera aussi une année très électorale en RDC puisque l'accord politique prévoit l'organisation des élections présidentielles, législatives et provinciales avant la fin de l'année. Pour cela, un « comité de suivi » de l'accord dirigé par Etienne Tshisekedi devrait superviser le travail de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni).

Beaucoup de zones d'ombre et un « arrangement particulier » à régler

Au final, la vraie gagnante de la signature de cet accord, c'est la puissante Eglise catholique du Congo. Après plusieurs reports agaçants, deux dates butoirs non respectées et même une homélie au vitriol, celle-ci renforce son influence en démontrant sa capacité à mettre autour d'une table, des acteurs qui refusaient catégoriquement de prendre langue. Avec la fin de sa mission de bons offices, l'Eglise catholique obtient à l'arrachée, l'accord qu'elle appelait de ses vœux.

Pourtant beaucoup de zones d'ombre entoure encore cet accord notamment dans les mesures de décrispation. Le sort des quelque 400 opposants politiques emprisonnés ou en exil comme Mbusa Nyamwissi, Roger Lumbala et Floribert Anzulumi, Jean-Claude Muyambo, Eugène Diomi Ndongala ou encore Moïse Katumbi, semble avoir été le grand oublié de l'accord.  Même si certains vont être libérés ou autorisés à retourner au bercail, le traitement de leur dossier se fera au cas par cas sous l'œil des évêques dans le cadre de la commission dédiée.

Malgré toutes les concessions entre les parties, l'accord a été signé a minima sans avoir évacué tous les points de discorde. Ces points concernent le partage du pouvoir dans les exécutifs provinciaux et dans les postes ministériels stratégiques. Autres pommes de discorde, le début officiel de la période de transition. Joseph Kabila voudrait que le texte ne soit applicable qu'après la session parlementaire de mars 2017. L'opposition quant à elle souhaite aller aux urnes, le plus vite possible pour permettre aux élections de pouvoir se tenir à temps échu en décembre 2017.

Mais la probabilité de voir les élections se tenir toutes en 2017 s'amenuise de plus en plus. La tenue d'élections devrait coûter 1,5 milliard de dollars dans un pays où la crise politique cache une profonde crise économique avec l'effondrement des cours et la menace des investisseurs et les bailleurs de fonds de retenir leurs mains. Le budget 2017 du pays arrêté à 4,5 milliards de dollars pourra-t-il supporter cette dépense ? Le financement étranger pour l'organisation des élections, longtemps refusé par le pouvoir pour des raisons d'ingérences, pourrait peut-être se poser en solution de rechange.

Le texte de l'accord est donc soumis à un « arrangement particulier » qui devra être déterminé dans un nouveau round de négociations qui s'ouvre cette semaine. Le jeu des calculs politiques reprendra alors pour tenter d'aplanir les derniers différends pour une sortie effective de crise. Ces différends portent en eux-mêmes, tous les germes qui pourraient faire resurgir une nouvelle crise politique !

Ibrahima Bayo Jr.

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