Maroc/Mauritanie : Benkirane à Nouakchott pour rattraper la bourde de Chabat

Le ton semble redevenu cordial entre Rabat et Nouakchott. Après l’entretien téléphonique entre le roi du Maroc et le président mauritanien, les clarifications de la diplomatie marocaine, le royaume nord-africain a dépêché son Premier ministre éteindre les dernières braises de la crise occasionnée par les propos du patron parti marocain de l'Istiqlal, Hamid Chabat.
Ibrahima Bayo Jr.

C'est un peu l'arrivée des pompiers pour circonscrire un incendie. Le premier ministre marocain, Abdelilah Benkirane, accompagné de Nasser Bourita, le ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, a été dépêché à Zouirate pour rencontrer, ce mercredi 28 décembre à Zouerate (nord), Mohamed Ould Abdel Aziz, le président mauritanien. Ce sont donc les deux pompiers qui ont la délicate mission d'éteindre le feu de la dernière polémique en date qui risquait d'embraser les relations diplomatiques et politiques déjà tendues entre les deux pays.

 Chabat, l'homme par qui le scandale est arrivé

Cette polémique prend son origine dans les déclarations de Hamid Chabat, secrétaire général du parti conservateur de l'Istiqlal (droite nationaliste). Lors d'une rencontre, samedi 24 décembre avec des syndicalistes marocains, le responsable politique avait affirmé que la Mauritanie était historiquement une terre marocaine. De quoi hérisser de tous poils la presse et l'élite mauritanienne prises dans une subite montée de fièvre nationaliste.

Saisissant la balle au rebond, le parti au pouvoir, l'Union pour la république (UPR), avait jeté son pavé dans la mare de la polémique en jouant de la corde nationaliste jusqu'à l'usure. Presque du tic au tac, il exigeait dans un communiqué que le parti de l'Istiqlal présente des « excuses à la population mauritanienne ».

Pour couper court à cette polémique naissante, le ministère marocain des Affaires étrangères s'était fendu d'un communiqué daté du 26 décembre, indiquant qu'il « rejette vigoureusement ces déclarations qui portent atteinte aux relations avec un pays voisin frère ». Les propos de Hamid Chabat « démontrent une méconnaissance profonde des orientations de la diplomatie marocaine, tracées par Sa Majesté le roi [Mohammed VI, ndlr] et qui prônent le bon voisinage, la solidarité et la coopération avec la Mauritanie sœur », avait complété le ministère des Affaires étrangères.

Pour enfoncer le clou, un communiqué diffusé mardi 27 décembre par le cabinet du roi du Maroc, a fait état d'une conversation téléphonique entre le monarque et le président mauritanien. Le roi y affirme « son soutien et son amitié indéfectibles, ainsi que son attachement à la relation de bon voisinage et de solidarité entre les deux pays, fondée sur les liens séculaires et familiaux qui ont toujours existé entre les deux peuples ».

Une relation de voisinage ponctuée de crises diplomatiques épisodiques

Les relations entre le Maroc et la Mauritanie n'ont pas attendue que la langue du patron de l'Istiqlal fourche pour connaître des frictions diplomatiques. Ces relations sont en effet marquées par des crises épisodiques ces dernières années.

En décembre 2015, Rabat n'avait pas digéré le renforcement de la présence militaire mauritanienne dans la ville marocaine de Lagouira où le pays d'Ould Abdelaziz avait commis l'imprudence de hisser son drapeau. Cet épisode s'était soldée par la visite à Nouakchott d'une importante délégation sécuritaire conduite par le chef de la diplomatie marocaine.

Auparavant, en juin 2015, La neutralité longtemps observée par Nouakchott sur ce territoire controversé, avait été enfreinte. A la mort de Mohamed Abdelaziz, président de l'autoproclamée République arabe sahraouie (RASD), la Mauritanie avait décrété 3 jours de deuil national et envoyé une délégation aux obsèques. Un signe interprété comme soutien implicite au mouvement Polisario qui lutte pour la reconnaissance de la RASD.

Un an plus tard, nouveau froid diplomatique entre les deux capitales. La Mauritanie avait refusé de renouveler les permis de travail des travailleurs étrangers et réclamé le placement de Mauritaniens aux postes à hautes responsabilités des sociétés étrangères installées en Mauritanie. Plusieurs sociétés notamment marocaines avaient pâti de cette « préférence nationale » mauritanienne. Une décision mauritanienne qui trouve une de ses nombreuses explications dans la présence en terre marocaine d'opposants mauritaniens à qui Rabat a offert le gîte et le couvert.

Les pompiers qui doivent  arrêter la pluie

Après le désistement du Maroc à recevoir le sommet de la Ligue arabe, la Mauritanie s'est posée en sauveuse de la rencontre en acceptant de la tenir sur son sol.  Furieux de ce croc-en-jambe diplomatique, Rabat avait éconduit le chef de la diplomatie mauritanienne qui avait fait le déplacement pour lui remettre une invitation au sommet. Le Roi du Maroc sera absent à l'été 2016 de la réunion de la ligue arabe tout comme la majorité des chefs d'Etat arabes d'ailleurs.

Rabat semblait ainsi rendre la pareille à Nouakchott pour son « impertinence » d'avoir éconduit en juin 2016, la délégation marocaine venue lui transmettre un message du roi pour un appui pour l'adhésion du Maroc à l'Union africaine.

En dépit de plusieurs éclaircies, les relations diplomatiques maroco-mauritaniennes restent encore tumultueuses. Le ciel des rapports de bon voisinage s'assombrit malgré les visites ces derniers mois de responsables d'un pays vers un autre. En quête de soutiens pour son adhésion à l'organisation continentale qui sera discutée lors du sommet d'Addis-Abeba en Ethiopie en janvier 2017, le Maroc ménage son voisin encore hésitant à le soutenir.

Est-ce suffisant pour que cette bourde du responsable politique marocain, qui souffle sur des braises non encore éteintes, déclenche un orage diplomatique ? En tout cas, les pompiers Benkirane et Bourita auront fort à faire pour ne voir aucune goutte tomber du ciel assombri des relations diplomatiques maroco-mauritaniennes. Les deux hommes le savent bien les pompiers peuvent éteindre des incendies mais pas arrêter la pluie.

Ibrahima Bayo Jr.

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