Guinée : « Toumba », le plus célèbre Béret rouge tombe au Sénégal

La cavale aura duré sept longues années et pris des allures de western américain. L’opération de son arrestation, menée pendant un mois par la brigade de recherches dakaroise, avait tout l’air d’un film hollywoodien. Sous le coup d’un mandat d’arrêt international, l’ex-capitaine de l’armée guinéenne, Aboubacar Sidiki Diakité a été arrêté à Dakar au Sénégal après avoir échappé à la justice depuis 2009.
Ibrahima Bayo Jr.
Aboubacar Sidiki Diakité dit "Toumba" (à droite) est l'homme qui avait tiré sur le chef de la junte, Moussa Dadis Camara. Il est aussi accusé d'être un des donneurs d'ordre du massacre du 28 septembre 2009

Décidément, Aboubacar Sidiki Diakité affectionne les noms de couverture. En cavale depuis décembre 2009, l'homme était demeuré introuvable. Surnommé « Toumba », il vivait à Dakar sous le pseudonyme et les faux papiers guinéens d'Aboubacar Barry. Une fausse identité qui lui permettait de s'offrir le luxe de prendre du poids et de vivre dans un appartement d'un quartier huppé de la capitale sénégalaise d'où il pouvait contempler l'imposant Monument de la renaissance africaine.

Mais la tranquillité de cette vie confortable a été troublée, ce vendredi 16 décembre 20016, par l'irruption des hommes de la brigade de la section de recherches de la gendarmerie de Dakar qui l'ont arrêté après une opération de surveillance et de filature. Conduit à la caserne Samba Diery Diallo à Colobane, une banlieue proche de Dakar, le capitaine passera aux aveux sur son identité sans pour autant indiquer les moyens dont il a usé pour atterrir au Sénégal depuis sa fuite en décembre 2009. Mais au-delà de ce mystère, que reproche-t-on à Toumba ?

Toumba, l'auteur présumé du « lundi sanglant de Conakry » ...

Aboubacar Sidiki Diakité entre doublement dans l'Histoire de la Guinée... d'une triste manière ! Fils d'un ancien garde du corps d'Ahmed Sékou Touré (ancien président guinéen), Aboubacar Diakité est formé en médecine à l'Université Gamal-Abdel-Nasser de Conakry. Ceinture noire de karaté, ce sportif d'allure est devenu l'aide de camp du capitaine Moussa Dadis Camara formé dans la même université.

En décembre 2008, ce dernier avait mené un putsch avec son Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) quelques heures après l'annonce de la mort du président Lansana Conté. Moussa Dadis Camara s'autoproclame président de la Guinée. Il reprend alors en main un pays miné par le narcotrafic tout en promettant de mener la transition et de rendre le pouvoir aux civils.

Il choisit alors Aboubacar Diakité comme chef de la sécurité présidentielle assurée par une unité d'élite, les « Bérets rouges ».  Ce sont en réalité, des hommes mal entraînés, souvent étrangers, parfois même issus de la Guinée forestière où Dadis est très populaire.

Après sa prise de pouvoir, Moussa Dadis Camara, le chef de la junte fait volte-face et décide de se présenter à la présidentielle de 2010. Regroupée autour du Forum des Forces vives de la Guinée (FFVG), l'opposition s'y oppose et appelle ses partisans à manifester le 28 septembre au stade éponyme. La date est symbolique. Elle marque le jour où les Guinéens ont voté leur indépendance de la France gaulliste.

La manifestation se transforme en massacre quand les Bérets rouges tirent à balles réelles sur les manifestants. Bilan de ce lundi ensanglanté : plus de 150 morts et des centaines de femmes et de jeunes filles victimes de viols.

 ... et tombeur de Dadis Camara

Après cette tache rouge dans son sillage, la junte montre les premiers signes de fissure. Le général Sékouba Konaté, numéro 3 du régime qui impute la responsabilité du carnage du 28 septembre à l'aide de camp du président souhaite le faire arrêter. Mais le chef de la junte s'y oppose et apporte son soutien à Toumba. En décembre 2010, lorsque Moussa Dadis Camara se rend à Koundara, la base militaire de son aide de camp, celui-ci tire sur le capitaine et le blesse à la tête et au cou avant de disparaître. Moussa Dadis Camara sera évacué au Maroc pour se faire soigner, et sera remplacé par Sékouba Konaté qui a transféré le pouvoir aux civils. Dadis Camara vit depuis au Burkina Faso.

Son aide camp quant à lui avait pris la poudre d'escampette. Mais il était resté en contact avec sa famille proche restée à Conakry. Comment un homme, sous le coup d'un mandat d'arrêt, qui se prêtait aux interviews des médias, a-t-il pu échapper tout ce temps, à Interpol ?

« C'est contre le gré de quelqu'un que de vivre en dehors de son pays. Mon souhait est de retourner dans mon pays. Là où je suis, je ne crains pas pour ma sécurité », s'était même permis de confier Aboubacar Sidiki Diakité à Africaguinee.com dans une interview exclusive.

Témoin crucial, Toumba sera-t-il extradé ?

Pour les observateurs d'ONG internationales dont Human Rights Watch, l'arrestation de Toumba Diakité, homme clé de l'ex-junte, devrait permettre d'éclairer et d'accélérer le procès sur le massacre et les exactions du 28 septembre que Cheick Sako, le ministre guinéen de la justice avait promis d'ouvrir. Les autorités guinéennes ont pris attache avec leurs homologues à Dakar pour l'instauration d'une commission rogatoire et faire venir des juges guinéens pour interroger l'ancien aide de camp.

Dans son interview, Aboubacar « Toumba » Diakité avait annoncé un sinistre présage. «[...]je dis aux organisations internationales de faire très attention. Puisque moi, je ne vais pas accepter que quelqu'un m'arrête. Même si c'est un camion (de militaires, Ndlr) qui vient, je n'accepterais pas que quelqu'un m'arrête et me remette à mes ennemis. Je ne l'accepterais pas. Si l'on se hasarde à le faire c'est une autre histoire qui sera tracée encore ».

Il a pourtant été arrêté sans opposer de résistance. Cette histoire dont il fait mention, se tracera dans les prétoires des tribunaux guinéens si les autorités sénégalaises consentent à l'extrader vers la Guinée. Il viendra alors éclairer ce sombre lundi de septembre 2009 qui marqua le début de sa cavale, aujourd'hui révolue !

Ibrahima Bayo Jr.

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