Gabon : le rapport de l’UE qui souligne les "anomalies" de la présidentielle

Le rapport de la mission d’observation électorale de l’UE au Gabon vient d’être dévoilé. Et bien que sur un ton modéré, le rapport remet en question les résultats de la présidentielle 2016 qui ont permis la réélection d’Ali Bongo Ondimba.
Ristel Tchounand

Il était attendu, par certains pour confirmer l'exactitude de l'élection du président Ali Bongo Omdimba, par d'autres pour élucider les circonstances de la défaite toujours contestée par l'opposant Jean Ping. Rédigé sur un ton remarquablement modéré, le rapport de la mission d'observation électorale de l'UE au Gabon dirigée par Mariya Gabriel dévoilé ce lundi constate des « anomalies » durant la présidentielle d'août 2016.

« Ces anomalies mettent en question l'intégrité du processus de consolidation des résultats et du résultat final de l'élection », affirme la mission.

Le Haut-Ogooué, la province qui suscite des interrogations

Le cœur de ces « anomalies », la mission de l'UE l'a repéré dans le déroulé des élections dans le Haut-Ogooué, la deuxième province la plus peuplée du pays et fief historique de la famille Bongo. La mission dit y avoir relevé « un processus de consolidation particulièrement opaque et des anomalies au niveau des commissions électorales ».

En effet, le taux de participation tel que publié par le MdI est de 99,93%, avec 95,47% des suffrages pour le président Ali Bongo. Et sans le Haut-Ougoué, le taux de participation au niveau national est de 54,24%. De plus, le nombre d'abstentions et des bulletins blancs et nuls dans une seule des 15 Commissions électorales locales (CEL) de cette province est supérieure à celles annoncées pour l'ensemble des 15 CEL de la province.

Selon le rapport, le nombre d'inscrits annoncé le 4 juillet lors de la consolidation des listes électorales et ceux retenus dans les résultats provisoires est différent. D'après la même source, cela se justifierait par l'autorisation de vote accordée la veille de l'élection par la Cour aux forces de sécurité. Ceux-ci constituaient des listes additives qui ont donné notamment lieu à 644 votes supplémentaires dans le Haut-Ogooué.

« Sans les résultats du Haut-Ogooué, Jean Ping possède 59.396 voix d'avance sur Ali Bongo Ondimba, avec un taux de participation de 54.24%.128 Avec les résultats du Haut-Ogooué, Ali Bongo Ondimba devance Jean Ping de 5.597 voix ».

Financement, après-campagne, ... les autres « anomalies »

Outre le cas particulier de cette province du Haut-Ogooué, l'UE pointe plusieurs autres  « anomalies » à la base. D'abord, le système de contrôle de constitutionnalité qui, bien que « complet et efficace, intégrant les instruments internationaux de droits de l'Homme et des libertés fondamentales, n'est pas suffisant pour garantir la pleine conformité du cadre juridique des élections avec les normes internationales ». La mission note un « clair déséquilibre », favorisant particulièrement le Président en exercice.

Le rapport souligne également la question du « lien de subordination » de certains membres de la CENAP (Commission électorale nationale autonome et paritaire) à l'Administration publique et au parti majoritaire, estimant que cela est « de nature à remettre en cause leur indépendance et leur impartialité ».

L'autre aspect préoccupant pour la mission de l'UE concerne le financement de la campagne ainsi que la couverture médiatique de celle-ci.

« Le cadre juridique du financement de campagne présidentielle restant sous-réglementé, il n'a pas réussi à garantir les conditions d'une compétition équitable entre les candidats. La campagne du président sortant a bénéficié d'un financement nettement supérieur à celui des autres candidats ».

Pour ce qui est de la couverture médiatique de la campagne, l'UE regrette qu'excepté les émissions consacrées à la présentation des programmes de chaque candidat, « l'accès des candidats aux médias publics et privés a été fortement déséquilibré en faveur du président sortant, qui a bénéficié d'une large couverture de ses activités institutionnelles ».

Pas de retour en arrière envisagé

Relevant par ailleurs, les différents incidents survenus après la proclamation des résultats provisoires le 31 août (manifestations, incendie de l'Assemblée nationale, prise d'assaut du quartier général de Jean Ping...) la MOE estime nécessaires d'investiguer sur ces différentes affaires.

Mais vraisemblablement, l'objectif pour la l'UE n'est pas de contester la réélection du président Ali Bongo. Au contraire, les « missionnaires » européens émettent des recommandations « en vue des prochaines échéances électorales ». Et celles-ci concernent essentiellement le renforcement du cadre juridique de l'organisation des scrutins, ainsi que l'indépendance des organes en charge de l'Administration, des élections.

Ristel Tchounand

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Commentaire 1
à écrit le 14/12/2016 à 15:14
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Je croyais que ce pays était souverain mais c'est vrai que quand les US ou UE qui y met son nez, ce n'est plus du colonialisme!

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