USA / Afrique : désintérêt réciproque

Absente des débats et des programmes, l'Afrique ne s'est pas passionnée pour l'élection présidentielle américaine. Cette fois-ci, les Africains ne se sont pas faits "faiseurs de président". Sans choisir entre Trump ou Clinton, le continent est un observateur, mais de loin. Il faut dire que plus que le résultat des urnes, c'est le futur des relations entre le continent et la puissance mondiale qui préoccupe. Entre temps, les échanges commerciaux entre ces deux rives de l'Atlantique ont été divisé par 2 de 2008 à 2015.
Ibrahima Bayo Jr.

Avec l'entrée de Barack Obama à la Maison Blanche, l'Afrique avait été prise d'une fièvre euphorique. Naïfs ou abusés (c'est selon), certains Africains ont vu dans l'installation au Bureau ovale de ce « cousin » noir, une fierté plus ou moins lucide, et au-delà, un espoir fantasmé de sortir leur continent de la pauvreté.

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Aujourd'hui, après le double mandat de leur cousin éloigné, l'Obamamania s'est estompée et la course entre Hillary Clinton et Donald Trump ne suscite guère plus d'intérêt sur le continent. Le réveil a été brutal de savoir que Barack Hussein Obama, même né d'un père kényan, est avant tout, le président d'un pays, les Etats-Unis, et non d'un continent, l'Afrique. Que le puissant prochain locataire du 1600, Pennsylvania Avenue à Washington, détermine la politique africaine des Etats-Unis à l'aune des « US vital interests » (intérêts vitaux américains) avant ceux de l'Afrique, fusse-telle la terre de ses ancêtres.

Echanges économiques en berne

Passée la prise de conscience cathartique, c'est sur l'intérêt des Etats-Unis pour l'Afrique (et vice-versa) qu'il faut s'interroger. Que valent vraiment les relations afro-étasuniennes ? Sur le plan économique, le pays de l'Oncle Sam a suivi ces dernières années, la ruée vers l'Afrique à l'instar d'une offensive commerciale et économique de puissances émergentes comme la Chine, la Corée du Sud, le Japon, l'Inde, la Turquie, le Maroc et même l'Allemagne ou encore Israël. Offensive qui diversifie les partenaires, remet en cause la « politique des pré-carrés », rabat les cartes des partenaires et menace de rétrécir les sphères d'influence.

Pour se positionner, les Etats-Unis ont lancé l'African Growth Opportunities Act (AGOA), une loi américaine votée en 2000 sous l'administration Clinton, qui permet aux pays africains de bénéficier jusqu'en 2025, de franchises sur plus de 6500 produits à l'entrée sur le marché américain. La symbolique s'arrête là puisqu'il faut ensuite répondre aux règles très strictes d'entrée d'un produit sur ce marché très concurrentiel et très exigeant. Un rapport du représentant américain au Commerce indiquait qu'il fallait redéfinir une nouvelle approche dans les relations commerciales avec l'Afrique.

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Aujourd'hui, les échanges commerciaux entre l'Afrique et les Etats-Unis sont en berne. Les chiffres de l'International Trade Administration (ITA) du Département du commerce en disent long sur cette dégringolade du commerce américain avec l'Afrique qui se chiffrait à 100 milliards de dollars en 2008. Depuis, les importations américaines en provenance de l'Afrique, principalement du pétrole, du gaz, du charbon, des métaux et des produits textiles ont atteint 25,3 milliards de dollars en 2015 contre 34,6 milliards de dollars en 2014, 50 milliards en 2013. Même tendance au niveau des exportations (principalement des équipements de transports, des produits électroniques, chimiques et des machines) vers le continent se chiffrent à 27,1 milliards de dollars en 2015 contre 38 milliards en 2014 et 35,2 milliards en 2013.

Rattraper le retard

Certes sur le plan économique, les Etats-Unis mobilisent des ressources pour investir ou aider l'Afrique, mais c'est souvent sous la barre des échanges avec le reste du monde. Les échanges avec l'Afrique ont surtout concerné les pays pétroliers du continent ou encore des producteurs de textile. C'est sans doute par souci de diversification et pour rattraper son retard que les Etats-Unis sont à pied d'œuvre avec des plans de conquête d'une Afrique à laquelle ils ne regardaient que sous le prisme de l'aide au développement.

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Pour rattraper son retard, l'Amérique mobilise son administration et ses entreprises pour lancer des initiatives comme Power Africa pour sortir l'Afrique de l'obscurité, le partenariat Trade Africa pour le renforcement du commerce avec le continent et Doing Business in Africa, une large campagne d'incitation des entreprises américaines à investir en Afrique. Toutes flanquées du mot « Afrique », ces initiatives ont été corroborées par l'US-Africa Business Forum, un sommet mettant en contact les chefs d'Etat africains et les investisseurs américains et qui a tenu à New-York sa deuxième édition en septembre dernier.

Omniprésence militaire des Etats-Unis

Mais dans ses relations avec les Etats-Unis, le continent africain a plus servi aux intérêts militaires des Etats-Unis qu'elle n'a profité du volet économique de ce compagnonnage intercontinental. La présence militaire américaine s'est intensifiée sur le continent africain où les Etats-Unis ne compterait pas moins de 60 bases, camps, installations portuaires et autres sites militaires pour un continent de 54 pays en 2015, selon le journaliste américain Nick Turse. Il faut y ajouter l'Africom, le centre de commandement des opérations militaires des États-Unis pour l'Afrique (3 600 hommes) qui épaule des missions onusiennes ou régionales de maintien de la paix ou de lutte contre le terrorisme sur le continent. Autant dire qu'avec l'ouverture d'une base de drones à Agadez au Niger, les Etats-Unis sont militairement présents partout en Afrique.

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Sur le plan politique, la pression des Etats-Unis n'a pas beaucoup raisonné pour la situation en Centrafrique, la guerre au Mali, la reconstruction de la Libye post-Kadhafi tout comme pour les contestations électorales au Congo-Brazzaville, au Burundi, au Kenya et plus récemment au Gabon ou en RDC. Elle aurait pourtant apporté un bol d'air frais dans certaines situations.

Qui de Donald Trump ou d'Hillary Clinton prendra la succession du lointain cousin des Africains ? La question n'intéresse pas vraiment l'Afrique, absente qu'elle a été des débats et des programmes des deux candidats. Celle qui se pose est désormais est la suivante : le prochain occupant du fauteuil du bureau ovale va-t-il vraiment considérer l'Afrique et lancer un véritable partenariat avec le continent ? Rien n'est moins sûr...

Ibrahima Bayo Jr.

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Commentaire 1
à écrit le 17/11/2016 à 10:31
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Votre commentaire:l'Afrique ne dois pas subir une force avec l'administration throump .les relations Afrique -usa resteront intactes. ce qui a été Révélé par l'ambassadeur américain au Togo.

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