CPI : la fronde africaine continue avec le retrait de la Gambie

Dans la brèche ouverte par le Burundi et l'Afrique du Sud, la Gambie annonce son retrait de la CPI. Le pays de Yahya Jammeh qui avait signé son retrait du Commonwealth pour les mêmes raisons, accuse cette juridiction internationale de s'acharner sur les Africains. Un argument de taille qui a longtemps constitué la pomme de discorde entre l'Afrique et la CPI. Analyse
Ibrahima Bayo Jr.

En 2017, la Cour pénale internationale (CPI) pourrait ne plus compter que 121 pays membres. La Gambie a annoncé, ce mardi 25 octobre, son retrait de la juridiction onusienne à compétence universelle pour les génocides, crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

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 Un tribunal caucasien pour les Africains ?

Les justifications fournies par Banjul pour son retrait, portent désormais dans le débat public, ce qui bruissait jusque dans les rangs des intellectuels africains. A la télévision nationale gambienne, le ministre de l'Information, Sheriff Bojang a brisé l'argument tabou. Il a indiqué que le retrait de la Gambie de l'instance judiciaire était justifié par « le fait que la CPI, malgré son nom de Cour pénale internationale, est en fait un tribunal international caucasien pour la persécution et l'humiliation des personnes de couleur, en particulier les Africains ». L'argument a tout son poids puisque Banjul rappelle, par la voix de son ministre de l'information que, depuis la création de cette juridiction en 1998, pas moins de 30 pays européens auraient commis des crimes sans avoir été poursuivi. En plus clair, il faut voir dans cette déclaration tonitruante de Banjul, ses incessantes interpellations pour l'ouverture d'une enquête sur la mort des migrants en Méditerranée, imputée par la Gambie aux pays européens. Des interpellations restées lettres mortes.

Fronde africaine en puissance

Le retrait annoncé de la Gambie fait suite à la sortie actée du Burundi de la CPI et, plus récemment, celle annoncée de l'Afrique du Sud, la semaine dernière pour des raisons différentes. Plus loin encore, une sortie de la Gambie serait un cinglant revers pour Fatou Bensouda, procureure de la CPI depuis 2012 et ancienne ministre de la justice de Yahya Jammeh donc de nationalité gambienne. L'on s'y interroge même si ce retrait n'entraînerait pas son éviction car elle serait alors issue d'un pays non membre de la CPI.

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Une succession de retraits qui confirme la fronde africaine contre la CPI, accusée d'être une cour africaine déguisée en instance judiciaire internationale. Les statistiques sont têtus: depuis sa création par le statut de Rome en 1998 et son entrée en activité en 2002, sur les dix « situations sous enquête » à la CPI, neuf concernent des pays africains. Un constat accablant pour la cour qui avait poussé les chefs d'Etat africains, le Kenyan Uhuru Kenyatta en tête, à adopter en février 2016, une feuille de route pour un retrait collectif des pays africains de la CPI. A décharge pour la CPI, sur les onze enquêtes préliminaires ouvertes, cinq seulement, concernent des pays africains. Des dossiers sont aujourd'hui ouverts pour des pays non africains comme l'Afghanistan, l'Irak, la Colombie, la Palestine ou encore l'Ukraine.

Vers un remplacement de la CPI par la cour africaine ?

Selon Sidiki Kaba, ministre sénégalais de la justice et président de l'Assemblée des Etats parties de la CPI, l'instance est encore soutenue par des pays comme le Botswana, le Nigéria ou encore le Sénégal. Mais la fronde africaine est encore bien en marche. Et des pays comme le Kenya, l'Ouganda, le Zimbabwe sont partisans d'un retrait collectif. Ils trouveront sans doute soutien auprès du Rwanda (non signataire du statut de Rome) dont le président Paul Kagamé est le plus grand opposant de cette cour jugée néocolonialiste. Les pourfendeurs de la CPI aimeraient bien acter le divorce entre la CPI et les pays africains. L'alternative serait de faire juger leurs pairs africains incriminés, après leur mandat par la Cour africaine de justice et des droits de l'homme, créée en 2014 et compétente pour 14 crimes universels. Voilà qui calmerait peut-être les relations à couteaux tirés entre l'Afrique et la CPI.

Ibrahima Bayo Jr.

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Commentaires 3
à écrit le 08/12/2016 à 23:13
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AFRIQUE mon AFRIQUE. Je suis fière d'être africaine. Chers Dirigeants; n'est ce pas le médecin après la mort. Où étions-nous lorsqu"'ils" massacraient celui qui voulait enfin la vraie INDEPENDANCE de notre AFRIQUE Le Guide KADAFFI ?

à écrit le 03/12/2016 à 12:26
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'' Non et non jamais je n'accepterai pas j'aime trop mon pays pour le trahir''comme le disait un géant potentat africain des suites de la décolonisation . Vous conviendrai volontier avec moi ce refus catégoriel de cet homme d'Etat à raison d'être, qu...

à écrit le 28/10/2016 à 14:49
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Acharnement contre les africains … toujours la victimisation, c’est lassant et inexact !! si les autocrates et dictateurs étaient moins nombreux en Afrique que partout ailleurs, et avec Daesh, Turquie, Egypte, Yémen, la proportion d’africains inculp...

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