Pour les exportateurs de matières premières, la pénurie de devises se poursuivra en 2017 selon Moody's

Avec un retour progressif à la normale des cours des matières premières, les gouvernements des pays africains exportateurs, ainsi que les institutions financières mondiales commencent à renouer avec l'optimisme. A contrario, Moody's reste plutôt perplexe. Le cabinet estime que la pénurie de devises, qui asphyxie les entreprises non financières, persistera encore en 2017.
Mehdi Lahdidi

La reprise d'un trend haussier des prix des produits pétroliers et autres matières premières n'est pas forcément synonyme d'un renflouement immédiat des caisses des Etats africains en devises étrangères. C'est ce que suggère l'analyse du service investisseurs du cabinet Moody's qui estime que le Nigéria et les autres pays d'Afrique, surtout les plus dépendants d'entre eux aux matières premières, auront besoin de temps pour rétablir leur santé financière.

La stabilisation des prix du pétrole et des produits de base au cours des derniers mois aidera à atténuer la pénurie de devises qui frappent les opérateurs économiques de la région. Mais « toute reprise dépendra d'une hausse continue des prix et, du coup, celle des pays exportateurs pourrait prendre du temps », a déclaré la vice-président de Moody's, analyste principal, Lucie Villa. La reconstitution des réserves de changes se fera sentir quand les taux de change dans les marchés « non officiels », auxquels recourent aujourd'hui les opérateurs économiques, convergeront avec les taux officiels.

Ainsi, la gestion des stocks de devises étrangères demeurera le principal challenge pour les exportateurs de pétrole en Afrique. Cela se voit d'ailleurs de façon flagrante dans les cas du Nigéria et de l'Angola, où le rationnement du dollar, la dévaluation des monnaies locales et les emprunts en devises se sont imposés aux gouvernements. Sous d'autres cieux, au Gabon et en République du Congo, le fait que l'accès aux emprunts en devises est limité, et que la monnaie locale commune soit rattachée à l'euro font que l'effondrement des réserves de change est plus important.

Inquiétude pour les entreprises non financières

L'analyse de Moody's n'est pas aussi optimiste que celle des gouvernements ou des institutions multilatérales qui s'attendent à une reprise de la production de richesse à partir de cette année. Pour sa part, le cabinet américain ne s'attend pas à une fin de l'hémorragie de devise, mais juste à son ralentissement. Autrement dit, la pénurie de réserves risque de se poursuivre en 2017. Le secteur bancaire de la région sera le plus touché par cette pénurie. Les analystes Moody's trouvent que les banques en Angola, au Nigéria et en République démocratique du Congo demeurent les plus impactées par les pénuries de devises en raison, principalement de la forte dépendance des économies de leurs pays du dollar. Mais ce ne sont pas les seules raisons à cet étouffement. « Les dépôts en devises des banques de la région ont été épuisés. De plus, leur capacité à générer de nouveaux fonds étrangers reste très limitée. Les dévaluations de la monnaie ont également érodé la qualité, la rentabilité et le capital des emprunts des banques », ajoute Constantinos Kypreos, vice-président Moody's.

Mais de façon générale, les banques en Afrique subsaharienne maintiennent des matelas de capital élevés et leur rentabilité reste solide. Les opérateurs qui inquiètent, par contre, sont les entreprises non financières opérant dans des pays exportateurs de pétrole. La pénurie de dollar et la faiblesse de la monnaie locale ont rendu difficile le paiement des fournisseurs de biens et d'équipements importés, les paiements de la dette en dollars et le rapatriement de fonds pour les multinationales. D'ailleurs, celles-ci doivent abaisser leurs marges d'exploitation, n'étant pas en mesure de répercuter des coûts d'importation élevés sur les consommateurs.

Mehdi Lahdidi

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