Zimbabwe : les emprunts de l’Etat auprès des banques locales menacent le financement du secteur privé

Ce n’est plus un secret. L’économie zimbabwéenne va mal. Bien que Harare ait soldé sa dette auprès du FMI l’automne dernier, son niveau d’endettement public reste élevé, lui fermant ainsi la porte à toute possibilité de financement extérieur. Du coup, l’Etat s’approvisionne désormais auprès des banques locales, au détriment des entreprises privées. Sonnette d’alarme !
Ristel Tchounand

« A une échelle macro de manière générale, le gouvernement ne devrait pas évincer le secteur privé en termes d'emprunt. En tant qu'économie, nous ne devrions pas particulièrement emprunter pour financer les dépenses récurrentes de l'Etat au détriment du secteur privé », a déclaré au journal  The Source Simon Hammond, directeur général de CABS, un établissement bancaire filiale de Old Mutual Group actif au Zimbabwe.

Il réagissait ainsi au niveau des avoirs en bons du Trésor des banques zimbabwéennes qui a augmenté de 87% entre janvier et juin 2017 par rapport à la même période l'année dernière, selon l'analyse détaillée des résultats semestriels des principales banques exerçant dans le pays. Et même si le patron de CABS est conscient que la situation actuelle est anormale dans une économie qui prétend vouloir se développer, son établissement fait bel et bien partie de ceux qui ont davantage ouvert le robinet à l'Etat.

Quand les banques donnent la priorité à l'Etat

Dans le détail en effet, les avoirs en bons du Trésor chez CABS ont grimpé de 48,8% à 137 millions de dollars que les six premiers mois de l'année, contre 88,42 millions de dollars sur la même période l'année dernière. Cependant, les prêts et avances à la production des secteurs économiques n'ont quant à eux augmenté que de 11,53% à 594,33 millions de dollars.

Le fait est encore plus significatif pour certains grands établissements. C'est le cas de la banque commerciale privée zimbabwéenne FBC. Ses avoirs en bons du Trésor sont passé à 76,6 millions de dollars au cours du premier semestre 2017, contre 54,3 millions de dollars détenus la même période l'année dernière, soit une hausse de 41,25%, tandis que les prêts et avances à la production des secteurs économiques ont chuté de 8,61% pour s'établir à 184,9 millions de dollars.

Même tendance chez la filiale locale de Barclays dont les avoirs en bons du Trésor se sont accrus de 864% à 57,9 millions de dollars sur les six premiers mois de 2017, contre 6,7 millions de dollars sur la même période l'an dernier, représentant désormais 12% du total actif de la banque. Cependant, les avances et prêts à production des secteurs de l'économie, ici, ont dégringolé de 10,27% à 113,5 millions de dollars.

Quel sort pour l'économie?

Bien qu'il ait réglé sa dette de 107 millions de dollars auprès du FMI en octobre dernier, l'Etat zimbabwéen est encore redevable à de nombreux créanciers. Du coup, son niveau d'endettement public reste élevé. Un facteur qui, associé à la croissance des activités informelles, l'insuffisance des recettes budgétaires, la baisse des entrées de capitaux et des recettes d'exportation ainsi que les déséquilibres extérieurs et fuite des capitaux a enfoncé la performance économique du pays. En 2016, la croissance du PIB s'est soldée à 0,7%, contre 1,4% l'année précédente. Le pays de Robert Mugabe qui surprenait encore il y a quelques années avec une extraordinaire croissance de plus de 15% par an, connait depuis une lente descente aux enfers.

Le gouvernement teste sans cesse des pistes de sorties, alimentant les critiques de la société civile. Entre le lancement d'une nouvelle monnaie comme alternative à l'hyperinflation, la vente des trésors de la faune nationale ou encore l'instauration d'une TVA de 15% sur les aliments de base, Harare essaie de démontrer sa volonté de sortir de crise. Cependant une économie peut-elle véritablement excellé sans un secteur privé fort soutenu par un secteur bancaire pourvoyeur de financement ?

Dans ses « Perspectives économiques en Afrique 2017 », la Banque africaine de développement (BAD) table sur une croissance du PIB de 1,3% cette année. Une légère amélioration qui serait tirée, d'après l'institution, par « les secteurs de l'agriculture (grâce aux précipitations favorables), du tourisme, de l'industrie manufacturière, de la construction et bancaire ». Selon la même source, de telles résultats seraient également garantie par de « profondes réformes [...] nécessaires pour stimuler l'entrepreneuriat et l'industrialisation, en améliorant l'environnement des affaires et en favorisant la création d'emplois ». Mais si le secteur privé est de moins en moins bénéficiaire du financement bancaire, rien de tout cela ne sera possible.

Ristel Tchounand

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