Dettes cachées : le Mozambique passe à l’offensive en attaquant ouvertement Kroll

Le Mozambique semble avoir choisi la confrontation avec Kroll, le cabinet d’audit chargé par le FMI d’enquêter sur le 1,4 milliard de dollars de dettes cachées, découvertes dans trois entreprises publiques en 2016. Antonio do Rosario, patron des entreprises auditées, a fait parvenir à la justice une lettre à charge contre Kroll, accusant le cabinet de chercher à nuire aux intérêts mozambicains.
Amine Ater
Les dettes cachées du Mozambique, découvertes en 2016, avait poussé le FMI à geler l'ensemble de ses activités dans ce pays d'Afrique de l'Est

Les entreprises publiques mozambicaines qui font face à un audit mené par le cabinet Kroll, mandaté par le FMI pour démêler la question des dettes cachées découvertes en 2016, viennent de lancer une contre-attaque visant directement l'auditeur. La question de la dette cachée, pour rappel, avait poussé l'institution de Bretton Woods à geler l'ensemble de ses opérations dans ce pays d'Afrique de l'Est, suivie par une grande partie des bailleurs de fonds du Mozambique.

Contre-attaque menée par Do Rosario

Dans une lettre adressée à Beatriz da Consolacao Bushili, procureur général de la République, le management des trois entreprises ciblées par Kroll, Empresa Mocambicana de Atum (Ematum), ProIndicus et Mozambique Asset Management, toutes trois présidées par Antonio do Rosario, vient d'accuser Kroll d'attaques personnelles à son égard dans son rapport et s'est vu obligé d'arrêter le travail des auditeurs après que ces derniers aient cherché «à obtenir des détails sur la sécurité de l'Etat».

Le patron des trois entreprises épinglées a également remis en question les deux principales conclusions apportées par Kroll, notamment le fait que plus de 500 millions de dollars de dettes restent inexpliqués et que l'ensemble du projet de sécurité maritime financé par lesdits prêts «était public dès le premier jour». D'ailleurs, Maputo a admis en 2016 avoir contracté un prêt de 1,4 milliard de dollars, qui a été tenu secret.

Tour de passe-passe législatif

Selon Kroll, Ematum (spécialisée dans la pêche de thon) a ainsi emprunté 850 millions de dollars, convertis depuis en euro-obligation, ProIndicus (spécialisée en sécurité) a reçu 622 millions de dollars et Mozambique Asset Management a obtenu 535 millions de dollars. L'auditeur a par ailleurs précisé que le 1,4 milliard de dollars de dettes cachées exclut le prêt contracté par Ematum. Cette créance a pour rappel été officiellement transférée au budget de la défense et approuvée par le Parlement, quelque temps après la découverte de la dette.

Un tour de passe-passe législatif qui n'a pas empêché Kroll de classer les 500 millions de dollars de dettes comme «inexpliqués», ce qui critique le management d'Ematum.

L'auditeur a par ailleurs fait savoir que la valeur des bateaux de pêche, de patrouilleurs et d'avions aurait été surévaluée d'environ 700 millions de dollars. Une accusation rejetée par Privinvest, l'entreprise ayant fourni ces équipements au Mozambique.

Les trois entreprises ont d'ailleurs contesté l'affirmation de Kroll, selon laquelle elles auraient fourni des données financières limitées, en énumérant une série de documents qu'elles auraient présenté aux auditeurs. En attendant, le FMI a rappelé à Maputo que la reprise de son programme de financement reste conditionnée à la publication d'un rapport complet qui devra «combler les lacunes en matière d'information pour renforcer la transparence et assurer la responsabilité».

Amine Ater

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