Les ambitions africaines du port d'Anvers

En 2016, le port d'Anvers a enregistré une hausse de 2.9% avec plus de 200 millions de tonnes de marchandises traitées tandis que 2017 s'annonce sous les meilleurs auspices. Les ambitions du 2ème port européen se portent désormais vers l'Afrique. Entre le renouvellement du partenariat signé avec le port de San Pedro en septembre 2016 et le renforcement des collaborations congolaises : quelles sont les ambitions du port belge en Afrique ?

Le 31 décembre 2016, à l'heure de la retraite, Eddy Bruyninckx, l'ancien Directeur Général laisse un bilan prometteur. Le port d'Anvers termine l'année avec 214,4 millions de tonnes de marchandises traitées. Quelques mois après son départ, la croissance se confirme et le port enregistre une activité de plus de 54 millions de tonnes, au premier trimestre 2017. Cette croissance repose essentiellement sur le trafic des conteneurs (+4,1%) qui franchit le cap des 10 millions d'Equivalents Vingt Pieds (EVP : unité de mesure des conteneurs) et sur le vrac liquide (+4,5%). Parallèlement, le vrac sec et le fret conventionnel connaissent une baisse respective de 9,8% et 2,4%. En termes d'emploi, le port d'Anvers représente 61.226 employés (ETP : équivalent temps plein), soit plus de 50% des 116.140 employés des ports belges, selon la Banque nationale (2015). L'activité économique directe et indirecte du port d'Anvers représente à ce jour, 15% du PIB belge.

Simultanément, la croissance maritime africaine poursuit un rythme de croisière de 7% depuis près d'une décennie et séduit toujours plus d'investisseurs étrangers. Le continent a attiré 50 milliards d'investissement dans des projets de terminaux entre 2007 et 2017. Si l'Afrique ne représente que 5% du trafic maritime international et à peine 2% du trafic des conteneurs, le secteur a quadruplé en dix ans, accompagnant le rythme de la croissance économique continentale. Les échanges avec l'Amérique du sud et avec l'Asie - en particulier avec la Chine - ont favorisé cet essor. Entre 2000 et 2014, les volumes échangés ont été multipliés par 14. Le continent rattrape son retard logistique et le Port of Antwerp International (PAI) - la filiale d'investissement de l'autorité portuaire d'Anvers - multiplie les initiatives pour renforcer sa présence sur le continent.

 Anvers mise sur « l'or brun » ivoirien

En signant un accord avec le Port de San Pedro le 1er septembre 2016, en présence du ministre flamand de la mobilité, Ben Weyts, le port d'Anvers a réalisé son premier investissement stratégique en Afrique de l'Ouest. Alors que les exportations de l' « or brun » ont connu une croissance de 10,4% entre 2014 et 2015 - selon les statistiques douanières de Côte d'Ivoire - la Belgique validait un partenariat avec le premier port d'exportation de cacao au monde. San Pedro dispose alors d'une capacité de traitement limitée à 4,9 millions de tonnes. Il cherche à se développer en s'appuyant sur sa proximité avec les plantations de cacao et les mines, mais aussi en optimisant son potentiel frontalier avec la Guinée, le Mali et le Libéria voisins. Dans cet objectif, le port ivoirien a développé un plan d'investissement de d'1.445 milliards d'euros : « Nous sommes un port en pleine construction, l'objectif pour nous, c'est de présenter à l'horizon 2035, un port nouveau avec des infrastructures nouvelles qui devraient permettre d'arriver à 70 millions de tonnes de trafic », déclare Guy Hiba, conseiller spécial du Directeur général du port autonome de San-Pedro (PASP), en septembre 2016 à Ivoirematin.Dans cette stratégie de restructuration globale,  le renouvellement de l'accord de partenariat signé en 2011, pour une durée de 5 années supplémentaires, entre le PAI et le port de San Pedro prévoit la construction d'une plate-forme logistique de 2 terminaux polyvalents et l'extension du terminal containers. Une zone industrielle de 150 hectares ainsi qu'un entrepôt consacré aux minéraux devraient voir le jour d'ici la fin de l'été. Toutefois, l'instabilité qui règne au niveau régional pourrait venir perturber le calendrier des travaux, comme en témoignent les récents tirs militaires qui ont paralysés le port, le 15 mai dernier. Le PAI, associé à la société belge Sea-Invest - spécialisée dans l'exploitation des terminaux - a investi 35% des 6 millions d'euros requis pour la construction de la plate-forme logistique. Cet accord doit permettre le renforcement du port dans le traitement des engrais, du cacao et des noix de cajou. Il comprend par ailleurs, une clause consacrée au développement des partenariats techniques et à l'organisation de séminaires de formation destinés au personnel ivoirien, avec le concours de l'APEC.

« Avis de tempête » sur le port de Matadi

Le port d'Anvers a intensifié sa présence en République Démocratique du Congo (RDC) depuis plus d'une dizaine d'années. Le 15 novembre 2003, il signe un accord de coopération avec Joseph Olenghankoy, alors ministre des transports de la RDC, entérinant le jumelage du PAI avec le port de Matadi. Depuis, Anvers a multiplié les missions d'expertise et de conseil au sein du centre de formation international du port. Mi-novembre 2013, à l'occasion d'une mission économique belge en RDC, Tito Umba, ex-DG de la Société Commerciale des Transports et des Ports (SCTP) s'exprime sur cette collaboration : « Le bilan est positif (...) Nous avons des techniciens aguerris. C'est dire que la SCTP a gagné quelque chose dans le cadre de ce jumelage, surtout un actif intellectuel ». La déclaration reflète un bilan en demi-teinte. En effet, malgré le potentiel considérable que représente la région, le trafic du port fluvial stagne à 2,9 millions de tonnes par an depuis 2013, en raison notamment, du réseau ferroviaire qui n'a pas suivi le développement des infrastructures portuaires. Seulement 2% des marchandises circulent par le rail. Par ailleurs, le dragage reste problématique et limite les navires à 6 mètres de tirant d'eau.

Parallèlement, le potentiel régional attise les appétits et les nouveaux projets de construction annexes pourraient venir fragiliser la position du port de Matadi. Le groupe philippin ICTSI a remporté la concession du terminal à conteneurs de Matadi-Mbengu et s'apprête à construire un terminal mixte traitant les conteneurs, le trafic roulier et les colis lourds et volumineux, sur la rive nord du fleuve. L'importance du port de Pointe-Noire au Congo-Brazzaville voisin et les ambitions du groupe Bolloré qui gère déjà un trafic de transbordement vers Matadi, viennent également concurrencer le port congolais. Enfin, le port en eaux profondes au large de Banana menace un peu plus l'équilibre de Matadi - la Chine ayant récemment été retenue pour la construction d'une voie ferrée reliant Kinshasa à Matadi.

Anvers : « Hub »  des échanges avec le continent ?

 L'Afrique dépasse désormais le trafic chinois dans le port d'Anvers, en charge de 24 millions de tonnes de marchandises traitées vers le continent - le Togo, l'Algérie et l'Afrique du sud occupant le trio de tête. Stimulé par ses résultats, Anvers ambitionne désormais de devenir le Hub du commerce transatlantique entre l'Afrique et l'Amérique du Nord. Dans sa stratégie globale de pénétration des marchés africains, le PAI s'appuie sur son allié canadien. A cet effet, plusieurs collaborations économiques et commerciales bilatérales ont été signées entre le port d'Anvers et celui de Montréal depuis 2016.

Entre diplomatie et communication ciblée, Anvers déploie « prudemment » sa stratégie africaine. Le port organise un événement de networking annuel, devenu incontournable - Club Afric - qu'il exportera désormais tous les 5 ans, sur le continent. Par ailleurs, une mission commerciale programmée en Côte d'Ivoire et l'organisation du « Port Day » au Cameroun en automne prochain, témoignent de l'intérêt toujours aussi vif du port pour le potentiel africain. Cependant, le secteur est très concurrentiel et la diplomatie féconde. Le 4 mars dernier, Ragutahalli Ravindra, Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de l'Inde auprès des républiques de Côte d'Ivoire, de Guinée et du Libéria, justifie sa présence dans le port par : « une visite de prospection et d'évaluation des potentialités et des opportunités ». Deux jours plus tard, c'est  Robert Van Den Dool, Ambassadeur des Pays-Bas en Côte d'Ivoire, qui a réaffirmé l'intérêt néerlandais pour les opportunités du PASP, le port d'Amsterdam étant le 1er port d'importation de cacao au monde tandis que San Pedro est le 1er exportateur de cacao...Dernier épisode en date, la venue de Rhee Yong-Il, Ambassadeur de Corée du Sud en Côte d'Ivoire le 5 avril dernier, qui n'a pas fait mystère de son intérêt pour les « projets d'extension du Port notamment le projet intégré du Terminal Polyvalent Industriel - TPI, la Centrale Thermique à Charbon, le Port de Pêche semi-industriel », selon le communiqué du PASP.

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