Industrie : le truchement du commerce et de l'agro-industrie

Faire de l'Afrique un continent industriel a longtemps relevé du fantasme. Il n'empêche que les pays africains peuvent se baser sur le commerce pour développer un secteur industriel à même de couvrir leurs besoins de bases. Le continent est déjà le premier fournisseur en matière première des grandes industries mondiales. L'Afrique  a également un fort potentiel en termes d'agro-industrie vu l'importance des terres arables dont elle dispose.

L'absence d'un secteur industriel structuré représente l'un des plus grands freins à un véritable décollage économique du continent. Pour beaucoup d'institutions, dont l'ONU, semer les graines d'une industrie résiliente au niveau continental pourrait résorber en partie la pauvreté et le chômage qui marquent toujours les sociétés africaines. Une industrialisation qui aura comme retombées, une réelle diversification économique et une transformation structurelle des économies africaines. Il n'empêche qu'aujourd'hui rares sont les pays africains ayant amorcés un virage industriel à l'image de ce que fait notamment le Maroc avec la politique d'écosystèmes lancée entre 2014 et 2015 et qui cible notamment l'automobile et l'aéronautique. Un exemple suivi par l'Algérie qui vient de décrocher son 2e constructeur automobile (l'allemand Volkswagen).

2017, année du décollage industriel ?

Amorcer un réel décollage industriel en 2017 impose aux pays africains d'identifier au préalable les bases dont ils disposent pour mettre en place ces écosystèmes, avant de se doter de mécanismes de transformation des réserves de matières premières dont ils disposent. Ces même pays pourraient profiter du secteur commercial pour coller aux besoins des marchés locaux en termes de produits intermédiaires et apparaître dans les radars des grands donneurs d'ordres. L'agroalimentaire représente également un levier à actionner vu la quantité des terres arables dont jouit le continent et le poids du marché où 230 millions de personnes souffrent de malnutrition et où les pertes agricoles représentent jusqu'à 150 kg par personne chaque année, dont 35% sont perdues avant même de quitter les exploitations.

Pour certains observateurs, l'industrialisation est liée au développement du commerce. Une activité qui détient un rôle majeur dans la croissance économique de l'Afrique. Ce qui peut lui offrir le potentiel nécessaire pour stimuler l'industrie, tant que les Etats africains élaborent et mettent en place des politiques commerciales efficaces, qui devront être assorties de mécanismes de contrôle et d'évaluation. Des politiques qui devront également tenir compte des évolutions survenues dans le système de production mondial, notamment l'internationalisation des systèmes de production. Tout le défi pour ses pays sera d'identifier et de mette en place les outils offrant de la valeur ajoutée.

Les richesses naturelles au service de l'industrialisation

Il n'empêche que les pays africains devront au préalable dépasser leur incapacité à promouvoir la transformation structurelle de leurs systèmes. En témoigne, le caractère rudimentaire des pratiques agricoles et des prestations de service qui dominent la structure des économies africaines. Des secteurs qui n'ont pas encore la capacité de créer des emplois de manière directe et indirecte, ni de lier l'amont à l'aval avec d'autres secteurs d'activité. Et ce, alors que l'Afrique reste le principal fournisseur en matières premières des grandes industries mondiales, vu les ressources abondantes et diversifiées, notamment agricoles et minérales. Une richesse naturelle qui devrait offrir selon les «rapports économiques sur l'Afrique», de l'ONU, un avantage comparatif pour créer une industrie articulée sur les produits de base, de manière à augmenter la valeur à ces ressources et par ricochet utiliserait un important capital humain.

Une industrialisation basée sur le commerce devra aller de pair avec l'analyse de la structure des exportations et du rôle que pourrait jouer la politique commerciale dans la production pour remédier à l'étroitesse de la gamme de production et d'exportation. Cette dernière reste dominée par des produits à faible valeur ajoutée, des coûts commerciaux élevés, des barrières tarifaires et non tarifaires qui entravent le commerce intra-africain et limitent l'accès aux marchés internationaux.  En matière de décollage économique, l'Asie de l'Est représente un cas d'école où le poids de la sous-région dans les exportations mondiales est passé de 2,25% en 1970 à 17,8% en 2010, grâce au poids des produits manufacturés dans les exportations entre les pays de la région.

Pour arriver à un résultat similaire, il est nécessaire de mettre en œuvre une transformation structurelle qui passe par la production et le commerce des produits intermédiaires, la création de chaînes de valeur nationales et régionales capables d'apparaître dans les radars des grands donneurs d'ordres, le renforcement du rôle des services.

Le filon agroalimentaire

Inscrit parmi les priorités de l'Union africaine et de la Banque Africaine de Développement, l'agro-industrie représente un vecteur de choix pour assurer une meilleure gestion et intégration de la production agricole dans la chaîne de valeur de la production à la conservation, en passant par le transport et le conditionnement. Bien que le continent possède environ 2/3 des terres arables dans le monde, les pays africains dépensent près de 35 milliards de dollars par an pour l'importation de denrées alimentaires, accentuant au passage les pressions sur les réserves de changes. Le développement d'une industrie agro-alimentaire, en plus de soulager les réserves de change des pays africains, permettra d'atteindre une taille critique en termes de productivité agricole et de soutien à la croissance économique.

Mesures incitatives

La transformation du secteur agricole en agro-industrie nécessite une batterie de mesures, englobant des investissements dans la technologie et dans l'innovation afin d'améliorer la productivité des terres, notamment en terme d'outils de travail, de semences améliorées, de contrôle de l'eau, de fertilisants et d'innovations commerciales.  Les pays à fort potentiel agricole devront également mettre en place des mesures incitatives en faveur des exploitants pour faciliter l'adoption de nouvelles technologies à prix abordables. En plus de la mise à niveau technologique, la mise en place d'une industrie agroalimentaire passe également par des réformes foncières garantissant l'accès à la propriété. S'y ajoutent, la création de produits d'assurance et d'instruments financiers adaptés au cycle de production agricole qui faciliterait aux fermiers, l'accès aux innovations technologiques, aux intrants intermédiaires ou encore aux services liés à l'agriculture.

L'établissement d'un environnement des affaires adéquat conjugué à l'aide au financement du commerce restent essentiels pour encourager le secteur privé et financier à soutenir l'investissement dans l'industrie agro-alimentaire, de manière à améliorer la compétitivité des exportations agricoles. Un soutien qui devrait déboucher sur la réduction des exportations des matières brutes et entraîner au passage une diversification des économies africaines. Ce qui déblaierai la voie à un développement de services commerciaux compétitifs grâce aux infrastructures et aux financements alloués aux exploitants agricoles pour mettre sur les rails des activités de commercialisation et d'exportation. Tout le défi pour les pays africains réside dans la manière d'aborder les réformes agraires en prenant compte la part importante des petits exploitants.

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Commentaire 1
à écrit le 01/01/2017 à 11:35
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Miser sur l'agro industrie c'est miser sur un nouveau fléau économique qui ravage les terres, exproprie les petits paysans, pollue massivement et tue régulièrement des innocents. Il n'y a que les agro-industriels à avoir intérêt à agro-industrie,...

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