« Gupta gate » : après la chute du britannique Bell Pottinger, McKinsey et KPMG menacés

L’annonce cette semaine de la cessation de paiement du britannique Bell Pottinger désormais au bord de la faillite pour son implication dans le « Gupta gate » a fait l’effet d’une bombe. Désormais, le parti d’opposition sud-africain, l’Alliance démocratique -à l’origine de la descente aux enfers du spécialiste britannique des relations publiques- entend tout faire pour que les autres compagnies citées dans les «Guptaleaks» assument la responsabilité de leurs actes. Dans le sillage déjà, le cabinet de conseil en stratégie McKinsey et le big four KPMG.
Ristel Tchounand
Atul, un des trois frères businessmen de la puissante famille indienne Gupta, naturalisés sud-africains.

#McKinseyMustFall, #KPMGMustFall, tels sont les deux hashtags qui commencent à prendre de l'ampleur sur Twitter depuis quelques jours, après l'annonce de la mise sous administration du spécialiste britannique des relations publiques, Bell Pottinger, dont l'information circule sous l'hashtag #BellPottingerHasFallen.

Après cet épisode considéré comme une «victoire» au sein de l'opinion publique sud-africaine, celle-ci s'attend -ou du moins souhaite- le même sort aux autres multinationales citées dans le rapport de la médiatrice de la République, Thuli Madonsela, en novembre 2016 et complété par les révélations du «GuptaLeaks» en juillet dernier qui secouent le monde politique et des affaires du pays de Nelson Mandela.

McKinsey sous pression de l'Alliance démocratique

McKinsey, lui, est déjà clairement visé par le principal parti d'opposition sud-africain, l'Alliance démocratique (DA), à l'origine des dénonciations qui ont conduit à la chute de Bell Pottinger. Dans un communiqué rendu public jeudi, le parti entend «faire pression» pour que le comité des entreprises publiques du Parlement sud-africain appelle les représentants locaux de McKinsey et son équipe dirigeante de New York (siège) à répondre de leur collaboration avec les Gupta.

Concrètement, selon les révélations, McKinsey est accusé, dans le cadre de sa collaboration avec Trillian Capital -une société liée aux Gupta- d'avoir ignoré dès 2013 les avertissements de son ancien personnel sud-africain concernant les risques liés à cette société en raison de ses liens avec la controversée famille Gupta. Son objectif étant se garantir à tout prix un accord juteux de 78 millions de dollars avec la compagnie publique sud-africaine productrice d'électricité Eskom, par l'entremise de Trillian Capital.

«La vérité est qu'un contrat Eskom-Trillian était beaucoup trop rentable pour que McKinsey le perde, ce qui est potentiellement la raison pour laquelle le cabinet de conseil a choisi d'ignorer ces drapeaux rouges», a déclaré le porte-parole des entreprises publiques au sein de l'Alliance démocratique, Natasha Mazzone.

D'après elle, le contrat en jeu avec Eskom -considéré comme un contrat «phare» de McKinsey en Afrique du Sud représenterait «plus de la moitié» des revenus de la filiale locale du cabinet de conseil. «Et les courriels du "Guptaleaks", ajoute-t-elle, indiquent comment McKinsey a demandé à Eskom de payer les sociétés appartenant à Gupta, décrites comme sous-traitants de McKinsey, pour un travail qui n'a jamais été exécuté».

Top management vs ex-cadres

Depuis juillet dernier, McKinsey nie les faits qui lui sont reprochés. Interrogé par Reuters après les derniers rebondissements du «Gupta gate» cette semaine, son porte-parole, Steve John, assure : «Lorsque des préoccupations ont été soulevées, nous avons entrepris une diligence raisonnable».

Pourtant, les témoignages de deux anciens salariés de McKinsey en Afrique du Sud recueillis par Reuters disent le contraire. Ils racontent comment le cabinet de conseil était passé par Trillian pour obtenir le contrat avec Eskom et comment ses dirigeants avaient fait fi des préoccupations des collaborateurs. «Nous avons eu plusieurs réunions entre 2013 et 2016 au niveau supérieur, au niveau local, sur Regiments [une autre entreprise liée aux Gupta qui avait déjà collaboré avec le cabinet en 2012, NDLR] et Trillian, où nous avons demandé : comment ces entreprises non qualifiées nous ont-elles gagné des contrats ? Pourquoi les montants des contrats sont-ils si favorables ? Pourquoi devons-nous passer par elles pour obtenir des affaires ?», ont-ils déclaré.

Assurant qu'il s'en tient «aux normes professionnelles les plus élevées partout où [il] travaille», McKinsey se dit prêt à collaborer avec les autorités sud-africaines au cas où la preuve d'un quelconque acte de corruption émerge. Le groupe a lancé une enquête interne confiée au cabinet d'avocats Norton Rose Fullbright, à l'issue de laquelle il entend prendre les mesures qui s'imposent.

KMPG réagit pour sauver son portefeuille client

Moins acculé que McKinsey pour l'instant, KPMG aussi est sur la sellette. Certes l'Alliance démocratique n'a pas encore engagé une procédure particulière à son endroit, mais l'étau se resserre de plus en plus autour du Big Four. Déjà la démission ce vendredi de son staff dirigeant suite à une enquête interne lancée par la maison-mère et les excuses du nouveau CEO «pour les failles identifiées» donnent le niveau de la température ambiante au sein du cabinet.

Il est reproché à KPMG, dans le cadre de contrat d'audit avec Oaxbay, le conglomérat des Gupta, d'avoir fermé les yeux sur les fraudes des entreprises de la richissime famille d'origine indienne. Les «Guptaleaks» évoquent, entre autres, le détournement d'environ 2 milliards d'euros de fonds publics pour l'organisation d'un somptueux mariage dont les dépenses avaient été enregistrées sous forme de charges dans l'une de leurs entreprises, afin d'éviter de payer des taxes. Dans un communiqué daté du le 1er juillet dernier, le désormais ex-directeur général, Trevor Hoole, tentait de blanchir le cabinet par rapport aux différentes allégations largement relayées par la presse dans le vif du scandale. Mais lors de sa démission, il a endossé la «responsabilité» des actes de la filiale, espérant que cela permettra à l'entreprise de «se reconstruire et d'avancer».

Cette orientation radicale intervient après que Barclays Africa Group (ABSA) a annoncé à Bloomberg, ce 14 septembre, l'examen des contours de sa collaboration avec KPMG Afrique du Sud, afin de décider de l'avenir. «Après avoir soigneusement examiné les informations supplémentaires demandées et les résultats, Absa sera en mesure de prendre une décision quant à savoir s'il faut continuer à engager KPMG comme ses auditeurs externes», a déclaré la banque.

L'heure de vérité approche

Le renouvellement de son staff est un signe fort que KPMG mesure l'ampleur du danger que représente le «Gupta gate» pour l'avenir de son business à l'échelle mondiale, surtout avec l'exemple de Bell Pottinger qui, après avoir fait la pluie et le beau temps des relations publiques de grandes entreprises à travers le monde, se retrouve aujourd'hui au bord de la faillite pour ses affaires avec la famille Gupta.

Selon l'Alliance démocratique, l'enquête sud-africaine sur Eskom et McKinsey devrait débuter d'ici fin septembre. Reste à savoir ce qu'il adviendra prochainement du cabinet international de conseil stratégique. Quant à KPMG, le changement de son staff dirigeant qui porte les couleurs d'un mea culpa réussira-t-il à lui faire éviter la catastrophe ?

Ristel Tchounand

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