Corruption : Ernest & Young dresse un nouveau tableau noir pour l'Afrique

La corruption reste forte en Afrique, malgré les annonces politiques répétées. C'est ce qu'a réaffirmé le cabinet Ernest & Young qui argue que même les potentiels lanceurs d'alerte ont peur du bras long de la corruption...
Mehdi Lahdidi

Même si l'investissement en Afrique connait une croissance importante, atteignant 128 milliards de dollars en 2014, soit une progression de 136% par rapport à l'année précédente, le risque de corruption demeure pour les investisseurs l'inquiétude numéro 1. Et cela reste bien justifié selon la dernière édition du rapport « EY EMEIA Fraud Survey », publié par le cabinet Ernest & Young, qui a étudié le phénomène dans 41 pays d'Europe, du Moyen-Orient, de l'Inde et de l'Afrique en recueillant des réponses de 4 100 employés de grandes entreprises à l'échelle mondiale.

Quatre pays africains font partie du top 10 de la corruption parmi les 41 pays sondés par le cabinet. Il s'agit du Nigéria, où 86 % des répondants estiment que la corruption est largement répondue dans leur pays, arrivant ainsi à la quatrième place, après le Brésil, l'Ukraine et la Thaïlande. Le pays de Muhammadu Buhari est suivi par le Kenya qui lui arrive à la cinquième place et dont 84 % des répondants se plaignent du même phénomène. L'Afrique du Sud et l'Egypte occupent respectivement la neuvième et la dixième place.

Classement EY corruption

Des lois anti-corruption inefficaces

Bien que 95 % les sondés en Afrique ont indiqué que leurs entreprises avaient des politiques, des procédures et des contrôles anti corruption réguliers, un répondant sur cinq au Kenya, a affirmé qu'ils serait prêt à effectuer des paiements en espèces pour remporter un marché. Au Nigéria, 24% ont déclaré qu'ils seraient prêts à offrir des cadeaux personnels pour la même raison. Pire encore, environ 79 % des répondants kenyans estiment que la corruption est répandue dans leur milieu de travail et 68% pensent que leurs supérieurs hiérarchiques sont impliqués dans des pratiques commerciales contraires à l'éthique.

Il devient clair ainsi que les régulations internes des entreprises et même celles qui sont instaurées au niveau national ne sont pas efficaces pour éradiquer la corruption. Ce qui est encore plus grave, c'est que ces lois n'encouragent l'apparition de lanceur d'alerte. Selon les données de EY, près d'un répondant sur quatre au Kenya et plus de 15% des répondants nigérians ont déclaré qu'ils seraient prêts à ignorer une conduite contraire à l'éthique, si cela aiderait leur progression professionnelle ou leur rémunération. Tout aussi inquiétant est le fait que près d'un répondant sur dix au Nigéria et au Kenya a déclaré qu'il se sentait sous la pression de ne pas signaler un acte de corruption. De même, près de la moitié des répondants au Kenya et au Nigéria ont déclaré qu'ils craindraient pour leur sécurité personnelle s'ils venaient à dénoncer un acte de corruption au sein de l'entité où ils travaillent.

 L'image à l'international en pâtit

Le rapport affirme tout de même que les chantiers de dématérialisation de procédures et la promulgation d'autres régulations visant à imposer la transparence ont contribué à réduire l'impact de la transparence. Seulement, ces progrès restent assez limités et dépend de la volonté politique. En Afrique du Sud, par exemple, l'OCDE a signalé qu'aucun cas de corruption impliquant une entité étrangère n'a été traduit en justice depuis que le pays a rejoint la Convention anti-corruption en 2007. Pourtant, les marchés financiers ont mal réagi à la nomination de deux ministres des finances de remplacement la même semaine en décembre 2015. Au Kenya, un journaliste a été arrêté en novembre 2015, quelques jours après avoir écrit un article mettant en cause les dépenses du gouvernement. Le ministre de la Planification et de la Dévolution, Anne Waiguru, a démissionné plus tard ce mois-là. Une attention plus récente a porté sur les allégations de corruption à la Fédération d'athlétisme du Kenya.

Parallèlement, la perception publique de l'action gouvernementale en matière de corruption est mitigée. Un tiers des répondants au Nigeria trouve que l'action gouvernementale efficace dans la poursuite des cas de corruption et de corruption. Au Kenya et en Afrique du Sud, cet avis n'est valable que pour une personne sur dix. Pire encore, un quart des répondants au Kenya et 42% en Afrique du Sud pensaient que le gouvernement n'était pas disposé à conduire en justice les personnes impliquées dans des affaires de corruption.

Mehdi Lahdidi

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