Nigeria : la stratégie de relance économique enfin lancée

Le président nigérian Muhammadu Buhari a procédé ce mercredi 5 avril, au lancement de la stratégie de relance économique du gouvernement fédéral. Constitué d’une batterie de mesures prioritaires et stratégiques, cette feuille de route attendue depuis plusieurs mois vise, à moyen terme, à redresser l’économie du pays et lui impulser une nouvelle dynamique pour une croissance durable et inclusive. Un véritable défi pour le chef d’Etat nigérian dans un contexte marqué par une amplification des attentes sociales et des marges budgétaires assez réduites alors que les prochaines élections se profilent à l’horizon.

C'est parti pour la stratégie de relance économique du Nigéria, un plan assez ambitieux porté par le gouvernement fédéral et qui vise à permettre au pays de retrouver et surtout conforter sa place de première économie du continent. Le plan redressement et de croissance économique (ERGP, en anglais) a été en effet lancé solennellement ce mercredi 5 avril à Abuja par le président Muhammadu Buhari qui a fait de ce vaste chantier, un des chantiers prioritaires stratégiques du mandat en cours.

« Le plan de relance économique est notre stratégie à moyen terme qui vise non pas seulement à restaurer la croissance de notre économie mais aussi et surtout à la rendre globalement plus compétitive ».

Muhammadu Buhari

Annoncé depuis l'année dernière et attendu par les opérateurs économiques et les partenaires financiers et investisseurs, le lancement de cette stratégie a été retardé par le long séjour médical du président Buhari, qui a été hospitalisé en début d'année à Londres durant un peu moins de deux mois. Cependant, durant cette absence prolongée, que les choses se sont véritablement accélérées sous la houlette du président intérimaire,  le vice-président Yemi Osinbajo.  Ayant fait l'objet d'une large consultation selon le gouvernement, le plan a été dernièrement adopté par le Conseil économique fédéral (FEC) et devrait servir de feuille de route pour l'ensemble du gouvernement.

Mesures stratégiques et prioritaires

  Les grandes lignes du plan ont été déjà dévoilées en début d'année par le gouvernement fédéral. Selon les explications données par le ministre nigérian du budget et de la planification nationale Udo Udoma, le plan est axé autour de 59 mesures stratégiques dont 12 prioritaires et qui visent à terme à diversifier l'économie nigériane à travers notamment la privatisation de certains actifs publics des secteurs économiques non prioritaires ainsi que la réorientation des fonds vers des programme à fort impact social ainsi que le développement des infrastructures. Il s'agira également pour le gouvernement nigérian d'accentuer l'assainissement du secteur industriel notamment  celui de la production pétrolifère avec une capacité de production qui sera d'abord stabilisé à 2,2 millions de barils par jour dès cette année et un objectif de 2,5 millions de barils par jour à l'horizon 2020. Au rang des principales mesures prioritaires, l'ambition des autorités nigériane est d'améliorer la gouvernance, d'accroître les exportations du pays tout en diminuant les importations et aussi d'intensifier les investissements dans les infrastructures de développement et le secteur agricole afin de permettre à l'économie nigériane de se diversifier, ce qui réduirait sa trop forte dépendance à l'or noir.

Dans la même dynamique, le plan s'attellera  à l'amélioration significative du climat des affaires afin de rendre l'économie nigériane plus compétitive, un préalable pour une croissance forte, durable et surtout inclusive.

Contexte légèrement plus favorable

Le lancement de la stratégie intervient dans un contexte relativement favorable puisque ces derniers mois, l'économie nigériane semble retrouver un début de légère reprise après une année 2016 où la première économie du continent est entrée en récession, une première depuis une vingtaine d'années.

« La mise en œuvre de cette stratégie conforte la volonté du président Buhari et du gouvernement fédéral à persévérer dans le redressement de notre économie en s'appuyant sur les succès déjà enregistrés notamment  en matière de lutte contre la corruption, l'amélioration de la sécurité et la restructuration de la gouvernance » a mis en avant, la veille du lancement de l'ERPG, le conseiller spécial en communication du président. Selon Femi Adesina, à moyen terme, les objectifs stratégiques généraux visés sont « de rétablir une croissance et un développement durables et accélérés, d'investir dans les secteurs sociaux et de créer une économie compétitive ».

Le FMI, la BAD ainsi que les agences de notation se sont particulièrement montrés pessimiste sur les perspectives de l'économie nigériane. « Sans réformes, le Nigéria sera confronté à des perspectives économiques sombres » a ainsi rappelé, il y a quelques jours, le FMI qui s'est appuyé sur les projections de l'évolution des indicateurs macroéconomiques pour les prochains mois.  «La priorité devrait être accordée à l'augmentation des revenus non pétroliers, notamment en augmentant la TVA et l'assiette fiscale et aussi une gestion plus rigoureuse des finances publiques, l'élimination des subventions aux carburants et la mise en place de filets ciblés  de sécurité sociale » a recommandé l'institution de Bretton Woods.

«Avec  des  politiques inchangées, les perspectives demeureront difficiles pour le Nigéria en 2017». Fond monétaire international (FMI)

 Ces derniers mois, plusieurs mesures ont été mises en œuvre par le gouvernement fédéral et la Banque centrale nigériane (NCB) afin de stabiliser la dégradation de l'économie nigériane. Avec la libéralisation du taux de change de la « naira », la monnaie locale, l'augmentation des taux d'intérêts de la CBN afin de juguler l'inflation ainsi que l'injection des liquidités sur le marché monétaire, la tendance s'est légèrement inversée. Surtout que parallèlement, la production pétrolifère a repris avec son niveau normal grâce à la suspension des opérations de sabotage des rebelles du Delta ainsi que la relative reprise des cours de pétrole sur les marchés internationaux à la suite du dernier accord de Vienne.

Défis socio-économiques

L'ERPG s'annonce donc comme la stratégie de la dernière chance pour Buhari qui au milieu du gué de son premier mandat. La situation économique assez critique qui prévalait à l'époque de la prise de fonction de l'ancien général-putschiste a réduit les marges de manœuvres de son gouvernement et a contrarié Buhari dans ses ambitieux objectifs d'enclencher une nouvelle dynamique de croissance économique dès le début de son mandat. Avec la persistance de la baisse des cours de l'or noir et celle de la production, les attentes sociales n'ont cessé de s'amplifier. Surtout qu'en parallèle, l'administration du président Buhari a dû faire face aux répercussions de l'insécurité grandissante dans le nord-est du pays où sévit Boko Haram et dans le Delta du Niger principale région pétrolifère du pays.

Des séries de manifestations ainsi que des grèves des principaux syndicaux ont été enregistrés ces derniers mois dans plusieurs Etats et villes de cette république fédérale en réaction à la persistance de l'impact de la conjoncture économique sur le pouvoir d'achat des citoyens surtout les plus défavorables.

La situation était telle qu'à son retour de Londres, Buhari a reconnu publiquement l'ampleur de la situation tout en promettant que son gouvernement va renforcer ces actions afin d'atténuer le poids de l'impact de la crise.

C'est désormais le principal défi du chef de l'Etat nigérian alors que se profilent déjà les prochaines élections générales, prévues en début 2019, et que l'attentisme social reste toujours assez ambiant. Il ne reste en effet que peu de temps pour mettre en œuvre les principales mesures contenues dans la nouvelle stratégie économique afin de stabiliser l'économie du pays, renforcer sa compétitivité et ainsi espérer attirer plus d'investissements pour financer les ambitieux projets socio-économiques et infrastructures de développement qui ont été identifiés comme les principaux leviers d'une croissance durable et qui profiterait à tous.

Pour Buhari qui a été jusque-là critiqué pour la lenteur dans la prise de certaines décisions stratégiques, c'est plus que jamais l'heure d'accélérer la cadence...

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.