Maroc : la BAD plaide pour une baisse des droits douaniers appliqués à l'Afrique

La BAD vient de passer au peigne fin, les politiques douanières et tarifaires appliquées par le Maroc vis à vis des pays de l’Afrique sub-saharienne. Une analyse qui vise à évaluer la capacité du Royaume à se positionner comme Hub entre l’Europe et le reste du continent. Une ambition jugée réaliste par les experts de la BAD mais qui pâtit toujours du manque d’accords commerciaux bilatéraux entre Rabat et les pays sub-sahariens. Une situation qui explique la stagnation des tarifs imposés aux importations africains de 12%.
Amine Ater

La Banque Africaine de Développement (BAD), vient de publier les résultats de son analyse sur la politique commerciale du Maroc. Une étude qui cible notamment « l'impact de la politique tarifaire du Maroc sur sa position de hub à destination de l'Afrique ». Selon les conclusions de cette analyse, la BAD soutient que l'ensemble des accords bilatéraux et multilatéraux signés par le Maroc restent loin de « positionner le Royaume en tant que hub régional au sens économique du terme, vis-à-vis des pays d'Afrique Subsaharienne ».

Les recommandations de la banque

Un constat qui a poussé la BAD à recommander à Rabat, de réduire ses droits de douanes. Une mesure qui pourrait se montrer efficace pour « dynamiser les flux d'échanges bilatéraux, avec un effet positif pour le Maroc et particulièrement pour l'Afrique Subsaharienne ». L'établissement panafricain a également appelé à optimiser les initiatives récentes qui ont été mises en place récemment par Rabat de manière à renforcer les échanges entre le Maroc et ses partenaires continentaux. Ce qui permettrait « de mettre à l'ordre du jour une négociation des politiques tarifaires appliquées de part et d'autre ».

Pour le moment, le Maroc reste très ancré au marché européen qui demeure le principal partenaire commercial du Royaume en concentrant 67 % des exportations du pays, les échanges commerciaux entre les deux partenaires ayant frôlé la barre des 30 milliards d'euros en 2014.  Du côté des échanges commerciaux du Maroc avec l'Afrique, la BAD a enregistré une augmentation de 20 %, ce qui représente une hausse de 1,5 milliard de dollars. Des échanges qui ont continué sur ce trend pour atteindre 13 % en 2014.

Un manque d'accords commerciaux bilatéraux

Il n'empêche que le Maroc ne souhaite pas se limiter à la position de simple partenaire commercial et acteur économique au niveau continental, mais cherche avant tout à s'afficher en tant que potentielle plateforme économique. Pour la banque panafricaine, l'ambition de Rabat coïncide avec un contexte où l'Afrique subsaharienne qui a enregistré une croissance avoisinant les 6,3 % en moyenne sur la décennie 2000, « ce qui semble être une solide opportunité pour le développement des agents économiques du Maroc ».

Pour mener à bien cette analyse, les experts de la BAD ont dans un premier temps, chercher à savoir si le Maroc a mis en place une politique tarifaire lui permettant de développer ses échanges avec les pays africains et si cette politique permet à Rabat de jouer le rôle de Hub qu'elle envisage. En termes d'accords commerciaux bilatéraux, le Maroc n'en a conclu qu'avec l'Egypte, la Tunisie, la Guinée, la Mauritanie et le Sénégal. Le Royaume dispose également d'accords avec d'autres pays africains, via des accords multilatéraux, notamment le Système Global de Préférences Commerciales entre Pays en Développement (SGPC, qui n'a toujours pas été activé), l'accord PAFTA (Zone Panarabe de Libre Echange).

A ces accords, s'ajoutent l'exonération de droits de douane accordée par le Maroc en faveur des pays les moins avancés d'Afrique. Une mesure qui touche une liste limitée de biens comprenant quelques produits agricoles et de la pêche ou encore un certain nombre de produits semi-finis.  Au total, neuf pays africains n'ont aucun accord tarifaire avec le Maroc. Il s'agit du Gabon, de la Côte d'Ivoire, de Sao Tomé, de la République du Congo (Congo- Brazzaville), du Kenya, de l'Afrique du Sud, du Botswana, de la Namibie et du Swaziland. Seuls trois pays africains méditerranéens (Algérie, Egypte, Tunisie) et le Sénégal appliquent un tarif préférentiel sur leurs importations en provenance du Maroc.

Une barrière tarifaire toujours d'actualité

Bien que les droits de douanes appliqués par Rabat sur les importations en provenance d'Afrique sub-saharienne ont enregistrés une baisse de 78%, cette tendance ne s'est pas répercutée sur les tarifs appliqués aux importations africaines (hors espace méditerranéen), qui est toujours de 12%. Une stagnation que la BAD justifie par l'absence d'accord commerciale entre le Maroc et les pays sub-sahariens. De fait, pour l'industrie, la moyenne des tarifs appliqués aux importations africaines hors pays méditerranéens est, beaucoup plus élevée que sur les autres régions, puisqu'elle est un peu au-dessus de 10 %, avec 6 % pour l'Afrique de l'Ouest, 9,3 % pour l'Afrique Centrale, presque 7 % pour L'Afrique de l'Est et 12% pour l'Afrique Australe.

Dans l'agriculture, les écarts de taux sont encore plus marqués, puisque la moyenne va de 1,4 % pour les pays méditerranéens à presque 27 % pour les pays de l'Afrique Australe. On constate de plus que, quelle que soit la catégorie de biens, l'écart entre le taux moyen des droits de douane appliqués aux pays européens et la moyenne la plus élevée des droits de douane appliqués aux pays africains est d'environ de 17%.

Pour les experts de la BAD, « la politique tarifaire menée par le Maroc au cours de ces 20 dernières années, a conduit à créer, involontairement, un écart de taux défavorable pour les pays d'Afrique (hors pays méditerranéens), comparativement aux droits de douane appliqués sur les produits européens, américains et méditerranéens et, ceci, quelle que soit la catégorie de biens ».

Réviser la grille tarifaire, bénéfique pour les exportations marocaines

Pour la BAD, une révision de la politique tarifaire marocaine s'impose vu que les biens en provenance de l'Afrique sub-saharienne restent plus sensibles au facteur tarifaire, comparé aux biens en provenance du reste du monde. « Une réduction des droits de douane marocains appliqués aux pays sub-sahariens contribuerait ainsi à augmenter les exportations des pays de l'Afrique sub-saharienne vers le Maroc ». Par ailleurs l'analyse de la sensibilité des exportations marocaines à la variation des droits de douane appliqués par les pays africains, par la BAD, permet de constater que, « quelle que soit la communauté économique, une baisse des tarifs des pays africains aura toujours un effet positif sur les exportations marocaines ».

Un effet qui varie selon la communauté économique concernée Selon les estimations de la BAD, une hypothétique baisse des droits de douane de 50% décidée par la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), pourrait permettre une hausse d'environ 5 % des exportations marocaines. Là où une baisse équivalente des tarifs appliquée cette fois, par la Communauté Economique de l'Afrique Centrale (CEEAC) ou par le Marché Commun de l'Afrique Orientale et Australe (COMESA), pourrait signifier une augmentation de ces mêmes exportations marocaines de 23 % pour la CEEAC et de 15 % pour le COMESA. « L'effet relatif le plus important à attendre provient d'une baisse des droits de douane appliqués par la Communauté Est-Africaine (CEA) : une réduction des tarifs de moitié pourrait, en effet, accroître les exportations marocaines de 40 % ».

Amine Ater

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