Marchés des transferts sportifs : corruption, arnaques et filières clandestines

La professionnalisation soutenue du foot africain et les flux financiers que l'industrie du secteur dégage ont induit l'émergence d'un marché de transferts lucratif. Parallèlement, des mauvaises pratiques ont vu le jour à travers des acteurs controversés qui profitent de cette niche, le plus souvent au détriment des jeunes joueurs, bercés par des illusions.

Comme toute industrie qui connait une croissance soutenue, celle de la formation des joueurs de foot et du marché des transferts attise des convoitises et pas seulement des investisseurs. La filière est en effet truffée d'acteurs véreux, attirés par l'odeur des «contrats en or» signés par certaines gloires du football africain et dans l'ensemble, par l'important flux financier que dégage l'industrie du football. Dans plusieurs pays du continent, des centres de formation clandestins sont régulièrement découvert comme c'est le cas il y a quelques années au Ghana.

Toutefois, dans ce monde de l'arnaque où les jeunes prétendants au métier de «footballeur professionnel» sont les premières victimes, c'est les agents de joueurs qui ont su profiter de ce filon qui ternit l'image du sport roi en Afrique. Des filières clandestines de recrutement et des transferts illégaux de joueurs sont devenus monnaie courante sur le continent. Un revers de la médaille qui s'amplifie d'année en année en raison des contrats mirobolants que font miroiter ces agents véreux à certains «espoirs».

D'autant plus que ce ne sont pas tous les jeunes formés dans des centres de foot qui finissent avec des contrats professionnels. Aussi, la réussite, avérée ou supposée, de ces académies de formation engendre une rude concurrence tant à l'accès qu'à la sortie, et séduits par le succès de certains joueurs issues de ces écoles, certains jeunes n'hésitent pas à aller voir ailleurs. Une aubaine pour les agents de joueurs surtout que la demande sur le marché est là. C'est ce que nous explique Yves Edgar Poncy, détecteur de talents de nationalité ivoiro-malienne et qui a officié pour plusieurs clubs du continent notamment ceux du Maghreb. «C'est un marché très lucratif. Les clubs recrutent des joueurs à qui ils font signer des contrats professionnels et les font jouer quelques temps dans les championnats locaux avant de les vendre par la suite, surtout à des clubs européens ou dernièrement à des équipes des pays du Golfe et en Chine» ajoute notre source.

Mauvaises pratiques

Malheureusement, les clubs et les agents ne sont pas tous honnêtes, ce qui ouvre la voie aux arnaques, corruptions et autres pratiques malsaines qui minent le domaine du foot-business. C'est d'ailleurs ce qu'a mis en exergue, le camerounais Boris Ngouo, auteur de l'essai «Terrain Miné, Football: la Foire aux illusions», paru en 2004 aux éditions Michel Lafon et dans lequel l'auteur, qui s'est basé sur sa propre expérience, a mis à nu les pratiques de ces filières clandestines ainsi que les risques de désenchantement pour certains joueurs.

Le phénomène ne date certes pas d'aujourd'hui mais il n'a cessé de prendre de l'ampleur ces dernières années avec la multiplication des intermédiaires sur le marché des transferts. «Avec la dernière décision de la FIFA de libéraliser le métier d'agent de joueurs, le terrain sera encore plus propice pour les agents véreux car tous les moyens sont bons pour se faire une plus-value sur le marché des transferts», fulmine Kassoum Abdoulaye, agent FIFA de joueurs, qui compte actuellement plus d'une dizaine de probables prodiges, recrutés en Afrique et évoluant dans des les grands championnats du continent ou de l'Europe de l'Est.

«C'est difficile aujourd'hui de faire signer directement un joueur, quelque soit son talent, dans un grand club européen où ça rapporte le plus. Ces derniers disposent désormais, et pour la plupart de leurs propres filières de recrutement», poursuit-t-il avant d'ajouter que «cela nécessite parfois beaucoup de temps pour permettre à un joueur d'accéder à la crème des championnats, alors que le résultat n'est pas garanti au départ». Du temps et de l'argent qu'il va falloir rentabiliser par la suite même si le pari peut rapporter gros.

Prime de risque

C'est ce qui explique que certains agents font payer les prétendants à «l'exportation» pour faire joueur leurs réseaux internationaux parfois avec la complicité des entraineurs ou même des familles des joueurs.

Des contrats intentionnellement mal ficelés où des clauses abusives intégrées ici et là sont légions dans le secteur et certains joueurs ne le comprennent qu'à postériori. Ainsi, des filières clandestines de recrutement de joueurs africains se recensent un peu partout dans le monde en particulier vers les pays où la législation est insuffisante notamment pour ce qui est des migrations.

C'est le cas en Thaïlande ou dans certains pays d'Europe de l'Est ou d'Asie, des pays peu regardant sur certains aspects des contrats et qui offrent des opportunités aux agents véreux de tirer leur épingle du jeu. En Europe, la législation a certes bien évolué ce qui a permis de réduire drastiquement les abus et la décision de la FIFA d'interdire le transfert des joueurs mineurs a aussi eu un impact certains sur l'amplification des mauvaises pratiques.

Cependant, la masse d'argents que fait brasser le secteur et que témoignent les faramineux montant de certains contrats professionnels de ces dernières années, ont de quoi donner un sérieux motif à la persistance des mauvaises pratiques. Les illusions qui font rêver des jeunes en quête de gloire participent également à assombrir ce revers de la médaille de la dynamique que connait le foot africain. Comme on dit en Afrique, l'argent appelle l'argent...

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