Le déficit en infrastructures technologiques, un moteur de croissance future en Afrique

Malgré le retard technologique de l'Afrique sur le reste du monde en matière de TIC, les statistiques sont loin d'être alarmistes sur le sujet. Ce retard est plutôt perçu par nombre d'experts comme une réserve de croissance pour le continent africain durant les prochaines décennies. À condition de s'offrir les moyens idoines de ce rattrapage technologique, et surtout de rendre son exploitation optimale.

Le taux de pénétration d'internet à l'heure actuelle « en Afrique est seulement de 6%, contre 40% dans les pays développés », déplore l'UA (Union Africaine). Ces statistiques défavorables rendent incontournables le rôle que joueront les TIC dans le mieux-être et mieux-vivre que compte offrir le continent noir à ses habitants, d'autant plus que d'ici 2040, les défis en matière de développement auxquels fait déjà face ce continent vont se démultiplier. À titre d'exemple, les prévisions démographiques de l'UA conjecturent que la population africaine «va passer de 1 milliard à 1 milliard 800 millions en 2040, avec un taux d'urbanisation passant durant la même période de 40 à 56% en moyenne en Afrique». À en croire donc ces chiffres et en l'état actuel des ripostes technologiques orchestrées en Afrique contre ces divers maux, il y a péril en la demeure.

Un potentiel inexploité existe pourtant en la matière. Il a juste besoin d'une étincelle pour contribuer à changer le visage du processus de développement du continent noir. Cet optimisme est conforté par la Banque mondiale, qui prédit une croissance de 1 à 2% du PIB africain, si la pénétration d'Internet progresse de 10% chaque année. L'une des clés du «turn-over» que doit réaliser l'Afrique pour rattraper son retard technologique sur le reste du monde réside dans la mutualisation de ses ressources, de ses énergies. Plusieurs études sectorielles de spécialistes débouchent sur une telle conclusion. En Afrique occidentale par exemple, l'heure est à la mise en œuvre d'un «Document de stratégie de développement des TIC», qui insiste sur la nécessaire opérationnalisation du «Règlement portant conditions d'accès des pays sans littoral à la bande passante nationale et internationale disponible sur les réseaux terrestres de l'espace communautaire». Ce règlement balise la voie à l'accès à une bande passante à moindre frais pour les Etats.

Prise de conscience de tous bords

L'Afrique centrale (zone CEMAC) qui souffre cruellement du peu d'intégration de ses économies, fait quasiment la même lecture pragmatiste de l'apport futur et décisif des TIC dans l'accélération de ses échanges intra-communautaires. Et pour cause, sans les TIC, des études scientifiques ont démontré que «des efforts visant à améliorer les infrastructures liées au commerce et les procédures douanières, ainsi qu'une réduction des coûts de transit et autres coûts des échanges pourraient entraîner une hausse de 52% du commerce intra-africain et plus singulièrement dans la CEMAC d'ici 2022», avertit Émile Ahohe, directeur au Bureau sous-régional pour l'Afrique centrale de la CEA (Commission économique des Nations-Unies pour l'Afrique). «L'amélioration de l'accès aux services des TIC servira donc à combler les déficits en infrastructures et à réduire les coûts des échanges commerciaux intra-régionaux en Afrique Centrale», prévient ce fonctionnaire international.

L'UA (Union Africaine) est également au fait du rôle de catalyseur et d'accélérateur de développement continental que sont à même de jouer les TIC. Son cheval de bataille en la matière, pour passer des paroles à l'action, est le PIDA (Programme de développement des infrastructures en Afrique, approuvé par les Chefs d'Etat africains en février 2012 pendant le 18e sommet de l'UA), avec la BAD (Banque africaine de développement) et le NEPAD (Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique) comme bras armés. «Le PIDA aura à développer un programme d'investissement dans les infrastructures (court, moyen et long termes), fondé sur des priorités bien définies. Il sera le document principal d'orientation de l'UA en ce qui concerne les programmations, les politiques et les priorités d'investissement dans le transport, l'énergie, l'eau et les TIC, entre 2011 et 2040», détaillent les services techniques de la BAD. Ce vaste chantier infrastructurel est évalué en besoins financiers «à près de 68 milliards de dollars US et comprend 51 projets», complète Mamady Souaré (Chef de division, département du NEPAD et des infrastructures régionales à la BAD).

Recadrer une utilisation gagnante des TIC pour une autre Afrique

Le Cabinet britannique "Balancing act" (spécialisé en consultance sur les TIC en Afrique) a identifié, dans une étude parue en 2016, divers sous-secteurs intimement liés aux technologies de l'information et devant bénéficier d'un intérêt grandissant en Afrique durant les années à venir. Il s'agit de la «microfinance, du mobile money, des énergies renouvelables, du développement des data-centres, de l'e-médecine, du e-Gouvernement, etc. Au total, pas moins de 65 sous-secteurs suscitant l'intérêt d'au moins 250 potentiels investisseurs (personnes physiques et morales)», détaille "Balancing act".

«Sur notre continent, l'outil de télécommunication le plus répandu est le téléphone portable, avec près de 41% de la population africaine qui l'utilise. Partant de ce constat, les opportunités offertes par le numérique pour faciliter notre quotidien et favoriser l'accès à l'information et aux divertissements doivent en priorité être accessibles depuis un téléphone portable», fait remarquer Cina Lawson, ministre en charge de l'Économie numérique au Togo. «Le téléphone mobile n'est plus uniquement en Afrique et dans le reste du monde un moyen de communication traditionnel. Il est désormais utilisé pour des services complémentaires, pour faciliter l'accès à des services primordiaux comme l'éducation, la santé, mais également l'inclusion financière, grâce à la création de porte-monnaies électroniques et au développement d'applications mobiles diversifiées», complète au sujet de ces opportunités à explorer C. Lawson.

Les PPP à la rescousse

D'après la base de données de la Banque mondiale sur la participation privée aux infrastructures, le «nombre de PPP (Partenariats publics-privés) axés sur le développement des infrastructures est en hausse en Afrique», se réjouit la CNUCED (Conférence des Nations-Unies sur le commerce et le développement, dans son rapport 2016). Cette inclination vers les infrastructures des États africains est particulièrement orientée vers les TIC. «Bien que la valeur totale des investissements nationaux s'inscrivant dans des PPP varie considérablement d'un pays africain à l'autre, la répartition sectorielle semble en général être assez homogène. Dans la plupart des pays, le secteur des télécommunications arrive en tête, avec 68% des investissements d'infrastructures, suivi par le secteur de l'énergie (21 %) et par le secteur des transports (10 %)», illustre la CNUCED, en citant des modèles en Afrique comme le Nigéria, le Maroc, l'Égypte, l'Algérie ou encore l'Afrique du Sud.

Une fois la barrière de la mise en place des infrastructures télécoms franchie, l'Afrique a les potentialités nécessaires pour les exploiter à fond. Dans ses «Perspectives économiques régionales 2016 consacrées à l'Afrique sub-saharienne», le FMI (Fonds monétaire international) partage cet avis. «La percée de l'argent mobile observée récemment dans de nombreux pays d'Afrique subsaharienne a été facilitée par des coûts de transaction modiques, la multiplication des innovations et la forte progression des abonnements de téléphonie mobile. En 2014, 11 % de la population d'Afrique subsaharienne détenait un compte bancaire mobile, un chiffre presque deux fois plus élevé que partout ailleurs», note le FMI. «L'importance et la diversité des produits financiers mobiles ont considérablement augmenté. En Afrique subsaharienne, le nombre d'opérations bancaires transitant par des dispositifs mobiles a presque doublé au cours des deux dernières années», poursuit le FMI, en décernant au passage, la palme d'or à des pays d'Afrique de l'Est comme le Kenya, la Tanzanie, même si le recours à l'argent mobile tend à se généraliser dans les autres régions du continent. «L'Afrique de l'Est a été à la pointe de cette tendance, mais la banque mobile se développe aussi dans d'autres régions du continent. En Afrique de l'Ouest, le niveau de départ était certes bas, mais les paiements mobiles ont été multipliés par six», constate avec satisfaction le FMI.

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