Nigéria : Buhari optimiste, mais prudent sur la fin de la récession

La sortie de la récession dans laquelle l’économie nigériane était plongée depuis près de deux ans a été saluée avec tous les égards par le gouvernement fédéral nigérian. Toutefois, le président Buhari s’est montré assez prudent sur cette relative évolution de la situation économique du pays qui reste toujours fragile, comme l’ont confirmé les analystes. Ce qui n’empêche pas le parti au pouvoir de mettre ce léger retour de la croissance à l’actif de la politique de Muhammadu Buhari qui a promis de maintenir la cadence pour que chaque Nigérian profite des fruits de la croissance. Dans l’air du temps, un début de campagne électorale anticipée pour la présidentielle de 2019 qui est déjà dans la ligne de mire des partisans de «Baba».

C'est avec un optimisme assez prudent que le président nigérian Muhammadu Buhari a accueilli la confirmation officielle de la sortie, au terme du second semestre de l'année, de la récession dans laquelle l'économie nigériane pataugeait depuis fin 2015. «Je suis très heureux de cette bonne nouvelle qui vaut ce que ça vaut. Mais j'attends à ce que chaque Nigérian en ressente l'impact», a déclaré aux médias le chef d'Etat nigérian. Buhari s'exprimait ce mardi 5 septembre depuis son village natal de Daura dans l'Etat de Katsina où il passe ses vacances de l'Aïd el-Kébir, et en marge de l'entretien qu'il a accordé à son homologue nigérien Mahammadu Issoufou en visite d'amitié et de travail au Nigéria.

«Les retombées doivent être améliorées et j'y veillerais jusqu'à ce que chaque Nigérian en profite. Jusqu'à ce que la fin de la récession se traduise par une amélioration significative du vécu quotidien de nos concitoyens, nous ne pouvons pas dire que notre travail soit accompli».

Fidèle à son humilité légendaire, Muhammadu Buhari a pourtant des raisons de se montrer encore sceptique, puisque comme le confirment les analystes, le retour de la croissance, en plus d'être insuffisant, est surtout fragile. Ce qui n'empêche pas le gouvernement fédéral et le cabinet présidentiel de jubiler par rapport à l'annonce faite par le National Bureau of Statistics (NBS) sur l'amélioration en cours de la situation économique du pays.

 Léger rebond de la croissance

Ce 5 septembre, le Bureau nigérian des statistiques a rendu publics ses chiffres actualisés sur l'évolution de la situation économique du pays ainsi que ses perspectives pour les prochains mois. Des statistiques macro-économiques qui indiquent que l'économie nigériane est en train de retrouver des couleurs, comme anticipé il y a quelques mois par la Banque centrale nigériane (CBN), en raison du léger rebondissement de la croissance de la plupart des composantes du PIB nigérian.

«Le PIB du Nigéria a progressé de 0,55% en glissement annuel et en termes réels, au terme du second trimestre de 2017. Ce qui indique que l'économie nationale est en train d'émerger de la récession, après cinq trimestres consécutifs de contractions enregistrées depuis le premier trimestre de 2016».

En 2016, l'économie nigériane a terminé l'exercice avec une contraction de 1,5% de son PIB, une première depuis plus de deux décennies et c'est dans une conjoncture déjà difficile que le président Buhari a pris fonction avec la promesse de renverser la tendance. C'est ce qui explique que pour les partisans du chef de l'Etat, la fin de la récession annoncée sonne comme une victoire à mettre à l'actif ce dernier.

«La sortie de la récession montre clairement que le président Buhari et le gouvernement fédéral travaillent pour le Nigéria et pour la prospérité de tous les citoyens », a ainsi déclaré Femi Adesina, le conseiller en communication de Muhammadu Buhari. Adesina s'exprimait le même jour à Abuja à l'occasion d'une manifestation de soutien aux autorités, organisée par un collectif d'associations de la société civile nigériane. «Vous avez choisi un jour très propice pour ce rassemblement de solidarité, car plutôt  aujourd'hui, nous avons appris que le Nigéria avait officiellement quitté la récession. Ce qui témoigne que l'administration fédérale s'intéresse à notre bien-être et travaille pour nous», a martelé, un brin populiste, le conseiller en communication de Buhari qui n'a pas omis de charger l'ancien régime de Goodluck Jonathan. «Cette récession est due à certaines erreurs du passé et en un an seulement, le gouvernement l'a combattue», a-t-il ajouté.

Climat d'incertitude persistant à mi-mandat

Au niveau des autorités fédérales, l'annonce a été certes accueillie avec satisfaction, mais dans le sillage des déclarations de Buhari, c'est avec beaucoup de réserve que l'on analyse les nouveaux chiffres. «Dans l'ensemble, la fin de la récession est bienvenue, mais la croissance économique reste fragile et vulnérable aux chocs exogènes ou aux dérapages politiques. En conséquence, il reste essentiel d'intensifier les efforts en vue de la mise en œuvre de la stratégie de relance économique et de soutien à la croissance», a commenté Adeyemi Dipeolu, la conseillère économique du président Buhari.

Selon elle, le président a donné ses instructions au gouvernement fédéral pour accélérer la mise en œuvre du programme présidentiel de sortie de crise afin notamment de parvenir aux résultats escomptés. Il s'agit entres autres d'une croissance soutenue et inclusive, la poursuite de la diversification de l'économie, la création d'emplois et l'amélioration des conditions de vie des Nigérians.

C'est aussi l'avis de plusieurs analystes sur les perspectives de l'évolution de l'économie nigériane, comme l'a relevé pour Reuters, Razia Khan, économiste en chef pour l'Afrique chez Standard Chartered pour qui, le retour de la croissance est loin d'être solide et surtout «reste loin des taux de croissance que l'économie nigériane pourrait atteindre».

Au-delà de l'annonce donc, les défis socioéconomiques restent encore criants pour l'une des principales économies du Continent qui fait également face à la persistance des risques sécuritaires et d'autres chocs internes et externes. Le président Buhari semble en tout cas avoir pris conscience et mesurer tout l'enjeu pour son gouvernement. «Compte tenu des défis auxquels nous sommes confrontés en tant que nation, nous faisons de notre mieux pour apporter des solutions durables aux Nigérians et nous allons continuer à faire de notre mieux pour y parvenir», a-t-il encore rappelé lundi dernier, lors de la réception des vœux des associations d'agriculteurs, d'hommes d'affaires et de structures de jeunes.

Après la période de doute engendrée par son état de santé, il ne reste plus que moins de deux ans pour relancer véritablement l'économie nigériane. Le travail est certes de longue haleine, mais le gouvernement compte sur la mise en œuvre de sa stratégie pour atteindre ses objectifs. En ligne de mire, la présidentielle de 2019 qui commence déjà à agiter la scène politique du pays.

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