La destination Afrique se cherche une place au soleil

L’industrie touristique africaine est en pleine expansion, avec une dynamique soutenue, d’importants investissements et une offre davantage diversifiée. Mais l’Afrique reste peu visible sur la carte mondiale du tourisme, alors qu’elle dispose d’un fort potentiel de croissance quasi inexploité.

Il est loin le temps où le tourisme africain était le parent pauvre des politiques publiques sur le continent et ne contribuait que très peu au PIB, à l'exception de quelques pays ayant très tôt flairé le bon filon. Depuis deux décennies, le secteur avance au rythme d'une dynamique qui a fini par s'arrimer à la croissance économique du continent et s'impose de plus en plus comme un réservoir d'opportunité d'affaires. A ces deux vérités s'ajoute un constat avéré : l'industrie touristique a fait preuve de résilience, bien qu'elle faisait (et fait encore) également face à ses propres défis.

Entre 1990 et 2014, le nombre d'arrivées internationales sur le continent est passé de 17,4 millions à 65,3 millions, soit une hausse de près 300% en un quart de siècle et une performance multipliée par quatre sur la même période. Grâce à son dynamisme (4% de croissance), l'Afrique se classait même juste derrière la première destination touristique mondiale,  l'Asie du Sud-Est avec ses 6%, d'après l'Organisation mondiale du tourisme (OMT).

C'est le cas donc de le dire : l'industrie touristique africaine surfe sur de bonnes perspectives, même si en 2015, la fréquentation du continent a accusé une baisse engendrée par l'amplification des facteurs à risques. Avec 53 millions d'arrivées, soit une baisse de 3% par rapport à 2014, le tourisme africain a vite retrouvé des couleurs en 2016, avec 58 millions de touristes, selon les données provisoires du dernier baromètre de l'OMT. Le secteur renoue donc progressivement avec la dynamique de croissance qu'il affichait depuis plus d'une décennie. Une dynamique qui devrait maintenir le même cap tout au long de la prochaine décennie, car le continent dispose d'un immense potentiel de croissance pour son industrie touristique. Ajouté à cela, un gisement encore mal exploité en dépit des efforts enregistrés les deux dernières décennies et qui ont abouti à des résultats plutôt reluisants.

Une industrie en pleine expansion

Si le nombre d'arrivées de touristes est la mesure de référence pour apprécier son attractivité, d'autres indicateurs participent également à illustrer le dynamisme des marchés. C'est le cas avec les retombées socio-économiques qu'induit le secteur, notamment en termes de revenus. En 2014, le continent a engrangé quelque 43,6 milliards de dollars de recettes au titre des dépenses touristiques, selon la BAD. Dans son rapport Africa Tourism Monitor 2015, la banque panafricaine n'a pas manqué de citer une étude du World Travel & Tourism Council (WTTC) dans laquelle le secteur du tourisme international aurait contribué au PIB du continent à hauteur de 8,1% en 2014, avec près de 20 millions de personnes qui travailleraient directement ou indirectement pour le secteur du tourisme, soit 7,1 % du total des emplois en Afrique.

En 2015, année de la baisse de régime, 33 milliards de dollars ont été enregistrés au titre des recettes du tourisme international, soit une hausse de 2% en termes réels en 2015, selon l'OMT qui met ainsi en lumière un fait important : le continent a pu conserver sa part de 5% des arrivées internationales et de 3% des recettes touristiques à l'échelle mondiale. D'après le rapport Hospitality Report de l'opérateur Jumia Travel et du groupe hôtelier français  Accor publié en mai dernier, avec 165,6 milliards de recettes enregistrées en valeur en 2016, la contribution de l'industrie touristique au PIB global de l'Afrique s'est maintenue à 7,8 % et elle devrait connaître une relative hausse cette année pour s'apprécier à 7,9%, soit 170,5 milliards de dollars. La contribution du secteur devrait ensuite croître de 4,6 % par an pour atteindre 268,2 milliards de dollars sur les dix prochaines années.

Pourtant, «si le tourisme international est à la hausse en Afrique, le continent ne représente pour l'heure que 5,8 % des arrivées touristiques et 3,5 % des recettes engrangées à l'échelle mondiale. C'est dire le potentiel de croissance et de retombées économiques que recèle le secteur», souligne la BAD pour qui, si le potentiel du continent est avéré, il reste toutefois à le libérer pleinement, au vu des sites naturels qui devraient attirer toujours plus de touristes du monde entier.

Des défis qui étouffent un immense potentiel

Le manque d'infrastructures et les lacunes en matière de prestation de services, notamment de transports, seraient le talon d'Achille de la croissance du secteur, selon le constat dressé par les analystes de la BAD. «Voyager sur le continent africain est toujours compliqué», rappellent-ils. Depuis ces dernières années, les investissements et les initiatives nationales et régionales contribuent actuellement à lever les contraintes sur les opérateurs du secteur. Toutefois, sa cadence de développement s'est retrouvée freinée face aux nouveaux défis, notamment sécuritaires, sanitaires et politiques. En 2013 par exemple, sur les 80 pays pour lesquels le Département d'Etat américain a émis un avertissement de voyage, 30 sont africains. En 2014, l'épidémie d'Ebola qui a frappé plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest a lourdement impacté la sous-région, et la baisse de la fréquentation enregistrée en 2015 a été en grande partie par celle des pays d'Afrique du Nord qui connaissaient à l'époque une exacerbation des tensions politiques et des menaces sécuritaires.

En effet, ces dernières font payer un lourd tribut au tourisme africain qui va au-delà des conséquences conjoncturelles qu'engendrent, par exemple, des attentats terroristes à répétition dans plusieurs pays. En Côte d'Ivoire, les établissements et les infrastructures touristiques ont été directement visés durant la crise politique qu'avait vécue le pays entre les années 2000 et 2011. Au Sahel, la crise malienne a été particulièrement marquée par le saccage de monuments classés au patrimoine mondial de l'Unesco et qui constituaient une attractivité quasi unique au monde.

Dans le pays et dans une moindre mesure dans les pays voisins comme en Mauritanie, au Niger et au Burkina, la crise sécuritaire a fait fuir les touristes. Même la faune qui attire tant de touristes du monde entier n'échappe pas aux menaces qui planent sur le tourisme africain : «Les éléphants et les rhinocéros sont des espèces menacées d'extinction. Jamais la recrudescence du braconnage et le commerce illégal d'animaux protégés n'a même atteint de tels niveaux», s'est ainsi alarmé la BAD dans ses conclusions, avant d'enjoindre les pays du continent « à prendre conscience de la valeur économique de leur faune».

Les pays africains semblent avoir enfin pris connaissance des véritables enjeux socioéconomiques du secteur. Pour preuve, les politiques volontaristes, en vogue à ce jour, pour la promotion du secteur touristique, avec des résultats assez positifs comme c'est le cas au Maroc. Considéré comme une des premières destinations du continent, le pays aux 3 500 kilomètres de côtes a réussi à dépasser le cap symbolique des 10 millions de touristes enregistrées en une année. D'autres pays comme le Kenya ou l'Afrique du Sud se sont également inscrits dans cette tendance qui est désormais à la mode sur le continent et à laquelle se greffent des initiatives régionales afin de mieux accompagner la cadence.

Des perspectives mondiales favorables pour le continent

Le résultat, c'est que d'abord les destinations sont de plus en plus nombreuses à s'ouvrir au tourisme. Puis, des investissements qui sont mobilisés dans les filières, avec comme conséquence une montée en gamme pour gagner en compétitivité dans un secteur rudement concurrentiel.

Toutefois, gagner en attractivité suppose de véritables initiatives de promotion du secteur et une évolution du «tourisme africain» (au-delà par exemple des traditionnels safaris), sans toutefois écarter les spécificités continentales. En intégrant celles-ci dans une stratégie globale de modernisation des services et de diversification de l'offre, l'Afrique pourrait enfin exploiter pleinement le potentiel que lui offre son industrie touristique, pour ensuite parvenir à en faire un levier essentiel du progrès socioéconomique de par notamment ses retombées en  matière de création d'emplois, d'entreprises, de recettes d'exportation et de développement des infrastructures.

Selon l'OMT, au cours des soixante dernières années, le tourisme n'a cessé de croître et de se diversifier, devenant ainsi un des premiers secteurs à plus forte croissance dans le monde. Aujourd'hui, le gain en croissance à en tirer est davantage important, surtout que la dynamique actuelle de l'industrie touristique africaine est confortée par des perspectives mondiales prometteuses pour le tourisme :

«Malgré des soubresauts sporadiques, le tourisme a connu une croissance quasiment ininterrompue dans le temps, démontrant ainsi sa vigueur et sa résilience», souligne ainsi l'OMT.

Côté chiffres, les arrivées de touristes internationaux ont grimpé de 25 millions dans le monde en 1950 à 674 millions en 2000, pour atteindre presque 2 milliards en 2015. De même, les recettes du tourisme international engrangées par les destinations à travers le monde ont connu une envolée, passant de 2 milliards de dollars en 1950 à 495 milliards de dollars en 2000, pour se situer à 1 260 milliards de dollars en 2015.

Par ailleurs, le tourisme constitue une composante importante du commerce international de services. Car, en plus des recettes dans les destinations, le tourisme international a également généré 211 milliards de dollars d'exportations au titre des services de transport de voyageurs non résidents en 2015. Ce qui porte la valeur totale des ses exportations à 1 500 milliards de dollars, soit 4 milliards de dollars par jour en moyenne.

L'OMT estime en outre que le tourisme international représente aujourd'hui  entre 7% et 8% des exportations mondiales de biens et de services, avec une croissance moyenne supérieure à celle du commerce mondial durant les quatre dernières années.

Pour les prochaines années, la dynamique devrait être maintenue sinon renforcée, avec de nouvelles destinations, mais aussi de nouveaux marchés émetteurs qui vont monter en puissance, notamment dans des pays émergents africains qui seront alors bien placés sur la carte touristique mondiale.

Dans sa dernière étude sur les perspectives du tourisme mondial, Tourism Towards 2030,  l'OMT anticipe une augmentation des arrivées de touristes internationaux dans le monde à hauteur de 3,3 % en moyenne annuelle sur trois décennies, soit 1,8 milliard d'arrivées entre 2010 et 2030. La même étude avance que les arrivées dans les destinations émergentes (+4,4 % par an) devraient augmenter deux fois plus vite que dans les économies avancées (+2,2 % par an). De plus, la part de marché des économies émergentes est passée de 30% en 1980 à 45 % en 2014 et devrait atteindre 57 % d'ici 2030, ce qui correspondrait à plus d'un milliard d'arrivées de touristes internationaux. Par région, l'augmentation la plus importante sera observée en Asie et Pacifique, mais l'Afrique devrait également voir le nombre d'arrivées plus que doubler pendant cette période pour passer de 50 à 134 millions d'arrivées. Grâce à une croissance plus rapide que dans les autres régions, l'OMT prédit enfin qu'on assistera à une augmentation de la part du marché mondial qui sera détenue par l'Asie et Pacifique (de 22 % en 2010 à 30 % en 2030), le Moyen-Orient (de 6 % à 8 %) et aussi l'Afrique (de 5 % à 7 %).

«Cette croissance soutenue du tourisme international est une très bonne nouvelle pour tout le monde, étant donné que le secteur du tourisme apporte une contribution de plus en plus importante à la création d'emplois, à la promotion du commerce et des investissements, au développement des infrastructures et à une croissance économique sans exclusion. On l'a particulièrement constaté ces dernières années, le tourisme ayant apporté un appui décisif au redressement économique de nombreux pays et à la création de nouveaux emplois», analyse le secrétaire général de l'OMT, Taleb Rifai, pour qui, il ne faudrait pas pour autant lésiner sur les efforts, mais plutôt «continuer à faire avancer des questions aussi fondamentales que la facilitation des voyages et la connectivité, tout en plaçant la durabilité au cœur de notre action».

Touriste, visiteur ou voyageur ?

Le développement du tourisme a engendré une profusion de concepts qui prêtent souvent à confusion. Ainsi, si les personnes qui se déplacent sont appelées «visiteurs», elles peuvent être des touristes ou des excursionnistes, des résidents ou des non-résidents. Plusieurs critères sont pris en compte pour faire la part des choses : la durée, le motif ainsi que le lieu du séjour. De manière générale, «le visiteur est toute personne qui se déplace vers un lieu situé en dehors de son environnement habituel pour une durée inférieure à 12 mois et dont le motif principal de la visite n'est autre que celui d'exercer une activité rémunérée dans le lieu visité». Le «voyage» désigne les activités des voyageurs et un «voyageur» est une personne qui se déplace entre différents lieux géographiques pour quelque motif et durée que ce soit. Le «visiteur» est un type particulier de voyageur, de sorte que le tourisme est un sous-ensemble des voyages. Les visiteurs sont également des «voyageurs» et un «touriste» est souvent «un visiteur international qui passe au moins une nuit dans un moyen d'hébergement collectif ou privé dans le pays visité». Selon l'OMT, il existe trois formes de base du tourisme : le tourisme interne, où les résidents d'un pays se déplacent dans leur propre pays ; le tourisme récepteur, qui correspond au tourisme des non-résidents ; et le tourisme émetteur, qui correspond au tourisme des habitants d'un pays dans un autre pays. Ces trois formes peuvent être combinées de différentes manières pour donner trois  formes supplémentaires : tourisme intérieur ; tourisme national ; et tourisme international. L'unité retenue par l'OMT pour la mesure du tourisme international est l'arrivée de touriste international. Celle-ci correspond à une visite d'un touriste dans un pays autre que son pays de résidence habituelle, indépendamment de sa nationalité. Ainsi les statistiques internationales de l'OMT dénombrent des visites et pas des individus. Le voyage se compose de visites effectuées à différents endroits et la visite touristique fait référence à un séjour dans un endroit visité durant un voyage touristique.

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