Zimbabwe : l'économie au fond du gouffre

Pénurie de liquidité, sécheresse grave, politiques gouvernementales décriées comme hostiles aux entreprises, cours des matières premières au plus bas... autant de difficultés qui ont maintenu l'économie zimbabwéenne dans les cordes. 2016 est la pire année pour l'économie de ce pays d'Afrique australe depuis 2009.

L'économie zimbabwéenne est restée sous tension tout au long de l'année en raison d'une faible production dans tous les secteurs, et les autorités ont révisé à la baisse leurs projections de croissance à 0,6 % en 2016, soit le taux de croissance le plus bas depuis 2009, où l'économie commençait seulement à sortir des dix années de récession. Un grand nombre de difficultés ont maintenu l'économie dans les cordes, en particulier une pénurie des liquidités, une sécheresse grave, des politiques gouvernementales décriées comme hostiles aux entreprises, et des cours des matières premières au plus bas. Comme le rappelle l'agence Xinhua, l'introduction de bons du Trésor a été la grande mesure du Zimbabwe en 2016, pour résoudre ses problèmes de liquidité apparus en début d'année. Beaucoup de raisons ont été invoquées pour expliquer ce problème de liquidités, entre autres la faible quantité d'exportations et les mouvements extérieurs du dollar. Des déficits excessifs des paiements courants et des comptes de capitaux ont mis sous pression les comptes nostro des institutions bancaires, entraînant des pénuries de liquidités et mettant sous pression la Reserve Bank du Zimbabwe, qui a été contrainte de mettre en place ses bons du Trésor en novembre.

La pénurie de liquidité persiste

Ces bons ont été émis avec une valeur nominale de 2 dollars, en même temps qu'une pièce de 1 dollar, et des bons de 5 dollars doivent être publiés prochainement. À ce jour, 29 millions de dollars en bons du Trésor et en pièces ont été émis. Mais malgré cette injection par petites doses pratiquée par la RBZ, la pénurie de liquidités persiste et les gens passent une grande partie de leurs heures d'activité à faire la queue à la banque. "Nous approchons de Noël et j'ai peur de passer la saison des fêtes sans argent dans les poches. Oui, je peux utiliser de l'argent plastique ici ou là mais il y a des cas où j'ai besoin de liquide", explique un usager attendant dans la file à Harare. Beaucoup de gens restent également sceptiques sur les bons du Trésor, craignant que le gouvernement ne tente de réintroduire en douce le dollar zimbabwéen. En plus de cette pénurie de liquidités, le phénomène d'El Niño de l'année 2015-2016 a eu un impact lourd sur la production agricole et sur l'économie dans son ensemble, de même que la faiblesse des prix des matières premières minérales d'exportation sur les marchés internationaux, réduisant également la production de tous les autres secteurs. Le pays a été durement touché par une grave sécheresse consécutive à une autre l'année précédente, prélevant un lourd tribut sur la production agricole. Ce phénomène a exposé 5 millions de personnes au besoin d'une aide alimentaire, tandis qu'au moins 20.000 têtes de bétail sont mortes par manque de pâture et d'eau, et que l'agriculture enregistrait une contraction de 3,7 % en 2016.

Le chômage à 11% officiellement, à 80% selon des experts !

Lors de la présentation du projet de budget 2017 en début décembre, le ministre zimbabwéen des Finances, Patrick Chinamasa, a déclaré que les impacts négatifs sur les secteurs de l'agriculture, de la production minière et de la production manufacturière, avait provoqué une baisse de la production nationale, ce qui s'est traduit par un faible taux d'utilisation des capacités dans l'ensemble des secteurs, par des revenus en baisse, par un chômage élevé et par des difficultés en termes de liquidités. Des économistes évaluent le taux de chômage à plus de 80%, tandis que l'agence officielle des statistiques zimbabwéennes situe ce chiffre à 11%. Les faibles niveaux de production industrielle ont poussé le gouvernement à déclencher en juillet un instrument règlementaire interdisant l'importation de certains produits afin de protéger les producteurs locaux et de renforcer l'utilisation des capacités. Cela a provoqué des manifestations violentes de négociants transfrontaliers qui ont brûlé un entrepôt appartenant à l'autorité fiscale du Zimbabwe à Beitbridge, à la frontière avec l'Afrique du Sud d'où proviennent la plupart des produits.Toutefois, le ministre du Commerce et de l'Industrie, Mike Bimha, a déclaré récemment que les restrictions à l'importation avaient permis une augmentation importante du taux d'utilisation des capacités locales, jusqu'à 47,4 % cette année, contre 34,3 % en 2015. Les exportations ont également enregistré de mauvaises performances en 2016, et elles devraient s'élever à la fin de l'année à 692,4 millions de dollars, contre 1,2 milliards de dollars en 2015.

Les IDE en berne

Par ailleurs, les contradictions de la politique gouvernementale sur la question des lois d'indigénisation a aussi plongé les investisseurs potentiels dans la perplexité, et un certain nombre d'entre eux ont préféré rester à l'écart du pays pour le moment. "Nous savons tous que les capitaux sont sensibles et que la confusion a obligé certaines compagnies étrangères implantées dans le pays à interrompre leurs plans d'investissement pour adopter une position attentiste", a indiqué l'économiste Clemence Machadu. "Les investisseurs étrangers restent sceptiques, c'est en partie la raison pour laquelle les afflux de capitaux ont reculé cette année", a déclaré Mme Machadu. Un autre point fort important de 2016 a été l'appréciation excessive du dollar des États-Unis par rapport aux devises utilisées par les principaux partenaires commerciaux du Zimbabwe, ainsi que par rapport aux devises des pays étrangers où résident de nombreux Zimbabwéens. " Cela a affecté les recettes d'exportation et les transferts de fonds, qui sont des ressources essentielles pour notre pays. La plupart des Zimbabwéens à l'étranger sont au Royaume-Uni ou en Afrique du Sud. La dépréciation de la livre sterling et du rand par rapport au dollar américain a provoqué une baisse des transferts de fonds reçus par ceux qui ont des amis et de la famille à l'étranger", a-t-elle ajouté. L'expert financier Persistence Gwanyanya a également déclaré au journal local NewsDay que la récente augmentation des taux d'intérêts par la Réserve fédérale des États-Unis risquerait de contrarier les perspectives de reprise économique du Zimbabwe.

2017 échapperait à la récession

Le Zimbabwe et la région d'Afrique australe sont des économies basées sur les matières premières, et de ce fait, les échanges commerciaux du pays seront affectés sensiblement par un raffermissement du dollar américain. Les matières premières telles que l'or verront par conséquent leur prix baisser, a-t-il expliqué. "Toutefois, je ne prévois pas un raffermissement important du dollar car la question du relèvement des taux d'intérêts a été discutée depuis longtemps maintenant, aussi les investisseurs, les entreprises et un grand nombre d'acteurs économiques ont déjà intégré ce relèvement anticipé dans leurs modèles de prix", a-t-il ajouté. Malgré une année 2016 difficile, M. Chinamasa a prédit que le PIB global du Zimbabwe connaîtrait une croissance modérée de 1,7% en 2017, sous réserve toutefois des hypothèses d'un redressement modéré des cours internationaux des matières premières, d'une réalisation fructueuse des projets d'investissement prévus, de l'efficacité des réformes pour faciliter les affaires, et d'un retour à la normal ou une augmentation des pluies.

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