Qui est Gian-Luca Erbacci, « Monsieur Afrique » d’Alstom ?

Les chemins de fer s'imposent de plus en plus comme un vecteur incontournable de développement en Afrique. Impossible alors de passer outre Alstom, le groupe tricolore étant l'un des leaders mondiaux des systèmes de transports intégrés. Du nord au Sud en passant par l’Ouest, le Centre et l’Est, trois sous-régions dont le fleuron industriel français ambitionne d’accélérer la conquête. A la manœuvre, un homme d’expérience : Gian-Luca Erbacci. Qui est cet ingénieur italien qui conduit les ambitions d’Alstom sur le continent ?
Ristel Tchounand

Casablanca, Le Caire, Alger, Johannesburg, ou encore Dakar, mais aussi Dubaï, Riyad, ... Voilà un aperçu des capitales que sillonne régulièrement Gian-Luca Erbacci, pour suivre de près les mégas projets développés par le groupe Alstom, l'un des leaders mondiaux des systèmes de transport intégrés. En sa qualité de Senior Vice-Président Moyen-Orient et Afrique, ce quinquagénaire ne se donne pas de repos tant que tout n'est pas bien ficelé. « Je voyage presque toutes les semaines et ces déplacements me prennent beaucoup de temps, car la région que je couvre, Moyen-Orient et Afrique, est très grande », confie-t-il dans un entretien avec La Tribune Afrique.

Une collaboration de près de 20 ans

On imagine alors facilement l'important background de celui qui a la responsabilité de veiller à la bonne marche des affaires d'Alstom dans cette vaste région qui inclut également l'Asie centrale. De nationalité italienne, Gian-Luca Erbacci est diplômé en Ingénierie mécanique de l'Université de Bologne, sa ville d'origine où il a grandi. Il intègre Alstom en 1999 en qualité de Directeur industriel. Il passera ensuite à la Direction de plusieurs lignes de produits (dont les Unités construisant les Bogies et les Tramways) avant de se voir confier la direction du Rolling Stock Engeneering.

L'ingénieur italien met entre parenthèses son parcours chez Alstom en 2005. Il prend alors la gestion des opérations techniques chez Trenitalia, l'opérateur ferroviaire italien. Il passera ensuite Président directeur général du Groupe italien spécialiste des machines-outils, Gamozzi, puis du leader italien du marché des forges pour l'énergie, le nucléaire et le pétrole, Fomas.

Nord et Sud, territoires consolidés

En 2009, l'homme signe son retour chez Alstom en tant que Vice-Président du département Train Life Services, puis Senior Vice-Président de la Région Europe du Sud, Moyen-Orient et Afrique du Nord. C'est depuis 2013 qu'il s'est consacré à la région Moyen-Orient et Afrique. Sur le continent, il couvre quatre implantations. En Algérie, l'usine de Cital à Annaba détenue en joint-venture avec des partenaires locaux, produit des trams exclusivement pour le marché local. Tout à côté, au Maroc -où Alstom a débuté il y a une trentaine d'années- la firme détient à 100% depuis avril 2016 une usine, à Fès, dédiée à la production des faisceaux de câbles pour tous les projets locaux du groupe. Outre cette installation, le groupe ferroviaire français développe également dans ce pays nord-africain son service ingénierie qui emploie une équipe bien fournie.

Une autre implantation d'Alstom qui pourrait peser lourd dans ses résultats au cours des prochaines années est celle de l'Afrique du Sud où la firme mène deux mégas projets. Il s'agit de deux usines dont l'une, baptisée « Gibela » est actuellement en construction et devrait entrer en service fin 2017 pour la production de 600 trains. La deuxième, « Ubunye », achetée en avril 2016 « est déjà bien structurée pour répondre aux besoins de rénovation sur le marché local et à l'export », selon les précisions du patron Afrique.

En Egypte, le groupe ferroviaire français signe une présence de plus de quarante ans. Et ici, l'honneur n'est pas à la construction de matériel roulant, mais plutôt à l'ingénierie. Alstom y détient des centres de compétences qui font de la signalisation et de l'infrastructure, en particulier le « power supply », qui n'est autre que la fourniture d'énergie sur les lignes de métro, tram et grandes lignes.

« Nos installations les plus importantes en Afrique sont celles dédiées à la production de matériels roulants. Quand l'usine en Afrique du Sud sera terminée, nous aurons autour de 2500, voire 3000 personnes qui travailleront pour la production de matériel roulant. Cependant comme en témoignent nos activités en Egypte et au Maroc, nous ne faisons pas que de la construction, mais aussi de la signalisation, de l'infrastructure et nous développons nos projets localement pour être proche de nos clients ».

Ouest et Centre, nouvelles cibles

Ces dernières années, la force de frappe d'Alstom sur le continent s'est largement étendue au-delà de ces principales implantations. Sous la houlette d'Erbacci, le groupe a décroché un important contrat de 15 trains régionaux au Sénégal, qui relieront le centre-ville de Dakar au nouvel aéroport. « Le projet a démarré, nous sommes dans la phase d'ingénierie. Nous avons débuté les approvisionnements de matériels, pour lancer la fabrication et le projet est à l'heure », confie le responsable. Construits en France sur le site de Reichshoffen, ces trains sont « les plus modernes du marché », selon le sherpa d'Alstom en Afrique. « Bi-mode, on peut rouler en version électrique et en version diesel pour faire face aux nouvelles infrastructures qui sont en train d'être construites dans le pays », explique-t-il.

Par ailleurs, l'ingénieur italien chapeaute la gestion de plusieurs mono-projets dans d'autres pays du continent, notamment en Afrique centrale. Mais avec ses équipes, Gian-Luca Erbacci travaille également sur « des prospections très importantes », qui pourraient aboutir à de nouvelles implantations, notamment au Congo Brazzaville, en Côte d'Ivoire, au Nigérian ou encore en Tanzanie.

« Ce sont des pays cibles parce qu'il y a de vrais projets qui nous intéressent ».

Mais le manager tient à clarifier une chose : l'Afrique n'est pas nouvelle dans la stratégie d'Alstom. Après avoir connu quelques années de difficultés, le groupe français a annoncé le 4 mai dernier, des résultats positifs pour l'exercice fiscal 2016-2017 par rapport à l'exercice précédent. Il a ainsi vu son chiffre d'affaires grimper de 6% à 7,3 milliards d'euros, tandis que le résultat d'exploitation ajusté a progressé de 15% à 421 millions d'euros. Selon Erbacci, le contrat en Afrique du Sud qui a commencé à être livré contribue, ainsi que la livraison de trams en Algérie, notamment, y ont contribué.

« Les Africains ont de nouvelles exigences »

La nouveauté au sujet de l'Afrique dans la stratégie d'Alstom « est plutôt d'étendre notre présence dans d'autres pays en Afrique centrale notamment et s'installer dans les pays où le volume des contrats nous le permet, comme c'est le cas de l'Afrique du Sud où à terme, les deux usines vont nous permettre d'avoir plus de 2 600 employés », explique-t-il. D'après lui, les pays africains qui ont de grandes ambitions de développement ont rehaussé la barre de leurs exigences. « Les clients ont de nouvelles exigences, ils veulent des technologies de plus en plus modernes. Nous sommes heureux de pouvoir offrir à ces pays qui avancent très vite en terme de modernisation, nos technologies les plus avancées », explique-t-il. Et d'ajouter : « c'est pour nous, une grande fierté de contribuer au développement des projets ferroviaires de ces pays ».

Outre la Tanzanie en Afrique de l'Est, l'un des marchés sur lequel Alstom pourrait se lancer dans les années à venir est bien celui de l'Ethiopie. La firme a déjà commencé à y regarder les projets urbains, mais entend y aller « doucement car les investissements sont liés à la présence des financements », d'autant plus ce marché connait déjà la présence d'autres acteurs. Et cette question de financement représente souvent un enjeu pour le déploiement sur le continent, car comme l'explique le patron Afrique d'Alstom, « le seul bémol c'est que parfois, les financements ne sont pas présents. Donc les pays qui souhaitent mettre en place un système de transport sont aussi demandeurs de financements importants pour les réaliser ».

« Technique et humanisme »

Toutefois, cette dynamique d'expansion cadre parfaitement avec l'orientation qu'aimerait prendre M. Erbacci au sein Alstom au cours des prochaines années, c'est-à-dire, « continuer dans la gestion de différents pays, éventuellement prendre la direction d'autres zones, d'autres pays ». Et pour cause :

« Aujourd'hui, les chemins de fer en Afrique sont en pleine évolution. Notons que quand on parle de chemins de fer, nous parlons de tous les domaines : grandes lignes et fret, ainsi que les transports urbains. Aujourd'hui les Etats travaillent plus au développement des transports urbains, parce que les villes ont des problèmes de mobilité  à cause de la population qui augmente, de la congestion des réseaux de transports existants qui génère de plus en plus de problèmes de pollution. C'est pour cela que dans plusieurs pays il y a cette évolution, du nord au sud, ainsi qu'en Afrique centrale. »

« Sur les transports inter-cités ou les transports de fret, on commence à voir des mouvements. Je cite par exemple le Maroc où on a commencé les phases de tests des premiers trains à grande vitesse. Sans parler de la production de train régionaux pour l'Algérie et le Sénégal, mais que notre méga contrat en Afrique du Sud. »

A la tête d'une importante équipe pour mener à bien les projets d'Alstom au Moyen-Orient et en Afrique, Gian-Luca Erbacci fait appel à toutes ses qualités humaines en termes d'écoute, de flexibilité et de disponibilité. Se décrivant comme un manager « à la fois technique, mais surtout humain » -car il estime que dans le contexte de diversités culturelles, religieuses, climatiques et même d'habitudes alimentaires- l'ingénieur italien consacre l'une de ses priorités à « la gestion des personnes avec qui nous travaillons ».

Marié et père de trois enfants, le sherpa d'Alstom Moyen-Orient et Afrique, après avoir fait le tour des capitales de la région et assuré le bon état d'avancement des contrats du groupe, se plait à réunir sa famille dans sa Bologne d'origine, pratique du sport -le football en particulier-, visite ses vignobles, ou contemple tout simplement la nature. D'après lui, « une passion ! ».

Ristel Tchounand

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