Qui est Adil El Youssefi, ce Marocain que s’arrachent les firmes télécoms au Kenya ?

CEO de Liquid Telecom Kenya depuis près de deux mois, Adil El Youssefi séduit les compagnies télécoms de ce pays d’Afrique de l’Est. Précédemment au même poste chez la filiale locale de l’indien Bharti Airtel, cet «africaniste» -fier de l’être- a fait ses preuves chez d’autres opérateurs en Europe, en Asie et en Afrique de l’Ouest. Retour sur le parcours de cet ingénieur marocain devenu manager télécoms de renom, au service de la mère Afrique.
Ristel Tchounand
Adil El Youssefi, CEO de Liquid Telecom Kenya.

La difficulté pour lui de se poser le temps d'un entretien avec un média témoigne de la concentration de son agenda. Adil El Youssefi est bien familier aux journées «speed», bien planifiées et au cours desquelles les imprévus ont très peu de place. Mais cela a pris une nouvelle tournure depuis avril dernier, date de sa prise de fonction en qualité de directeur général de Liquid Telecom Kenya (LTK), filiale du principal fournisseur panafricain de données, voix et IP en Afrique orientale, centrale et australe, Liquid Telecom Group, appartenant majoritairement au conglomérat Econet Global, basé à Johannesburg (Afrique du Sud).

Pour LTK, qui a annoncé sa nomination par voie de communiqué il y a deux mois, le choix de cet ingénieur marocain en remplacement du Britannique Ben Roberts promu à la présidence exécutive du conseil d'administration, était capital. Nic Rudnick, CEO de Liquid Group lui reconnaît d'ailleurs un «excellent bilan de leadership fort, ainsi que sa capacité unique et incroyable à comprendre les clients et le marché de telle sorte qu'il arrive à traduire la vision en stratégie gagnante». Et cela, c'est le fruit de tout un parcours.

39 ans et plus de 15 ans de management dans les télécoms

Né à Casablanca le 10 septembre 1978 d'un père avocat et d'une mère institutrice, le jeune garçon d'alors passe une enfance paisible aux côtés de sa sœur jumelle et leur frère cadet. Une vie qui se résume aux loisirs -tennis, jeux vidéo, voyages, billard- mais aussi et surtout à l'école. Et sur les bancs, l'élève est bon, et même très bon. Ce qui lui vaut, une fois le baccalauréat en poche, l'entrée en classes préparatoires aux grandes écoles d'ingénieurs au Lycée Mohammed V. Admis par plusieurs écoles au Maroc et en France, il opte pour l'Ecole nationale supérieure d'électronique, informatique de Bordeaux. C'est ainsi qu'à l'âge de 19 ans, il quitte le cocon familial.

En 2001, il décroche son master en électronique et télécommunications. La même année, il intègre Royal Philips Technology à Paris, en tant que Project/Product Manager. Cinq plus tard, pris chez la firme britannique BT en tant que Manager Business et Technologie, il déménage à Londres. Repéré en décembre 2008 par Millicom International Cellular, la multinationale de télécoms le recrute et l'envoie chez sa filiale à Colombo (la capitale économique du Sri Lanka). Ici, l'ingénieur marocain est responsable des services à valeur ajoutée. C'est alors que s'ouvre la porte d'une ascension permanente au sein de la firme. En novembre 2009, il est promu CEO adjoint de la Millicom Tchad et signe ainsi le début de son aventure africaine. En janvier 2011, il se voit confier la direction générale de la même filiale, avant de prendre celle de Millicom Ghana en mai 2012.

Fin 2013, le groupe indien de télécoms Bharti Airtel cherche le prochain directeur général de sa filiale au Kenya, l'indien Shivan Bhargava, alors CEO, ayant décidé de retourner dans son pays au terme de son contrat en avril. Le conseil d'administration fait alors son casting et retient Adil El Youssefi. Début avril, celui-ci prend effectivement ses fonctions de CEO d'Airtel Kenya, sous la grande attention de la presse nationale, l'opérateur télécoms étant un des principaux du pays. La lune de miel durera trois ans. Sous sa direction de nombreuses réalisations, telles que la préparation du projet de déploiement de la 4G ou encore la restructuration organisationnelle stratégique de l'entreprise, afin d'améliorer l'expérience client.

Les leçons d'une expertise africaine

Personnellement «orienté action et très pragmatique», comme il se décrit lui-même dans un entretien avec «La Tribune Afrique», l'homme ne se donne pas de repos depuis qu'il a pris les rênes de Liquid Telecom Kenya, surtout qu'il a des dossiers très stratégiques à mener avec ses équipes. Ceux-ci touchent quatre axes principaux : définir la stratégie de l'entreprise pour augmenter le chiffre d'affaires et la marge ; aligner les valeurs de LTK sur la centralité du client, le travail en équipe, l'excellence de l'exécution et l'ownership total des employés ; aligner la structure de l'entreprise et son capital humain sur la nouvelle stratégie et enfin mettre en place un mécanisme de suivi de l'implémentation de la stratégie et de la réalisation des résultats. Une étape qu'il veut «absolument» réussir, afin de porter plus haut l'opérateur qui emploie près de 1 600 personnes.

A ce stade de son parcours de manager, El Youssefi pourrait donner des cours de management, tellement il en a appris. Mais par-dessus tout, il retient qu'au fond,«la gestion d'une entreprise en télécoms se résume à faire en sorte que la couverture réseau soit adéquate et de qualité, que les offres et services soient compétitifs et alignés avec les besoins des clients et finalement que les recharges téléphoniques et la présence des agents soient disponiblespartout où il y a une couverture réseau». Et pour parler du cas spécifique de l'Afrique subsaharienne où il officie depuis bientôt huit ans, l'ingénieur a constaté que mener à bien de telles orientations dans la région nécessite des coûts d'opérations très élevés.

«C'est une spécificité propre à l'Afrique subsaharienne», souligne-t-il, ajoutant que «les compétences humaines sont disponibles, mais parfois pas assez expérimentées et l'environnement réglementaire présente parfois des challenges importants».

Empreinte sur le développement

Habitué à surmonter les obstacles, celui qui se définit comme un «africaniste pur» se dit prêt à se donner à fond pour continuer à apporter sa pierre à l'édifice des télécoms à travers le continent. D'autant plus qu'il pense que ce secteur en Afrique va poursuivre sa «croissance fulgurante» au cours des prochaines décennies.

«Presque 50% des Africains n'ont pas l'âge d'avoir un téléphone et l'utilisation de l'Internet sur le téléphone n'a pas encore atteint 100% des usagers. Les investissements et les coûts opérationnels pour capitaliser sur cette croissance vont également croître, ce qui pose la question de la consolidation entre opérateurs, ainsi que la nécessité d'innover pour réduire ces coûts. Enfin, les avancées technologiques amèneront de nouvelles solutions indispensables pour les clients, consumer et entreprise, ce que confirmera la place centrale qu'occupent les télécommunications dans le développement économique et social de l'Afrique. C'est très intéressant d'en faire partie».

Un jour, le Maroc !

Faire partie de ce développement nécessite donc forcément un travail acharné. Mais dans cette course à l'excellence, Adil El Youssefi réserve toujours une place de choix à sa famille. Pour lui, passer du temps avec son épouse et ses «deux petites princesses» est une passion en soi, au-delà du tennis qu'il chérit depuis son enfance, le golf qu'il pratique depuis quelques années ou même l'astrophysique et l'histoire dont il se plaît à éplucher les livres à ses heures perdues.

Après avoir ainsi contribué au développement des télécoms en Afrique subsaharienne, Adil El Youssefi espère bien, sur le long terme, apporter sa touche dans son royaume natal, à ce secteur dont il a développé l'expertise loin de chez lui.

Ristel Tchounand

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