Diplomatie : en rang serré, Rabat hausse le ton face à Alger !

Les propos tenus vendredi denier par le chef de la diplomatie algérienne, Abdelkader Messahel dans lesquels il accuse le Maroc d’user de la diplomatie du chéquier et de recycler l'"argent de la drogue" pour renforcer son influence en Afrique, ont provoqué la colère du Maroc. Après avoir convoqué le chargé d’affaires de l’ambassade d’Alger à Rabat pour lui faire part de l’indignation du Royaume, le ministère marocain des affaires étrangères a annoncé ce samedi dans un communiqué, le rappel de son ambassadeur à Alger pour consultations. Déjà en crise permanente, cette nouvelle affaire est partie pour exacerber la tension diplomatique entre les deux voisins d'Afrique du Nord.
Les chefs des deux diplomatie des voisins d'Afrique du Nord. Nasser Bourita, (à gauche) marocain des affaires étrangères et Abdelkader Messahel, son homologue algérien, dont les déclarations ont povoqué une levée de boucliers de la partie marocaine.

En diplomatie, il y a des choses que l'on ne dit pas et surtout des accusations qu'on ne profère même dans un cadre restreint à plus forte raison en public et qui plus est par un haut représentant d'un Etat. C'est un usage connu qui constitue l'un des principes même de la diplomatie internationale mais que visiblement le ministre algérien des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, a oublié lors de son intervention, vendredi dernier à Alger lors de l'université d'été du Forum des chefs d'entreprises (FCE), le patronat algérien.

Devant des investisseurs et hommes d'affaires du pays réunis pour une rencontre sur la promotion des IDE sous l'égide de la SAFEX, la société de promotion des exportations, le chef de la diplomatie algérienne s'est en effet pris au Maroc voisin, tentant une explication ubuesque des raisons de son influence grandissante en Afrique avec des propos assez durs, voire conspirationnistes selon certains observateurs. Il s'agit à vrai dire d'accusations graves avec des termes pas du tout diplomatiques comme la presse algérienne en a elle-même fait mention. «Le Maroc recycle en réalité l'argent du haschisch via ses banques dans le continent, tout le monde le sait ». Ce sont des chefs d'Etats africains qui me le disent» a par exemple assené le ministre pour  qui « beaucoup parlent de la présence marocaine sur les marchés africains, en réalité, il n'y a rien. Le Maroc est une zone de libre-échange ouverte aux compagnies étrangères pour ouvrir des usines et employer quelques marocains ». En plus des banques, la compagnie aérienne nationale, la Royal Air Maroc (RAM) en a aussi pris pour son grade et le ministre Messahel ne s'est pas gêné pour affirmer que la compagnie marocaine qui opèrent en Afrique « ne transporte pas uniquement que des voyageurs ».

« L'Algérie n'est pas le Maroc »  s'est fendu Abdelkader Messahel visiblement irrité par les propos tenus par certains participants à la rencontre qui vantaient la stratégie marocaine d'investissement sur le continent, qui pourrait selon eux servir d'exemple à Alger.

Lire aussi : Algérie: le FMI appelle à restructurer le champs économique

Vive réaction du Maroc

Comme il fallait s'y attendre, Rabat a réagit du tac au tac. Le jour même, dans la soirée, le chargée d'Affaires de l'ambassade d'Algérie au Maroc a été convoqué au ministère marocain des Affaires étrangères où il lui a été signifié « le caractère irresponsable, voire "enfantin", de ces déclarations, émanant de surcroit du chef de la diplomatie algérienne, censé exprimer les positions officielles de son pays au niveau international » selon le ministère. «  le Royaume du Maroc, en condamnant ces propos affabulatoires, d'un niveau d'irresponsabilité sans précédent dans l'histoire des relations bilatérales, relève qu'ils coïncident avec la tournée régionale de l'Envoyé personnel du secrétaire général pour le Sahara, ainsi qu'avec les préparatifs du Sommet UE-Afrique, prévu fin novembre 2017 à Abidjan » a aussi noté le ministère marocain des Affaires étrangères dans un communique officiel publié ce samedi.

Rabat ne s'est pas arrêté puisque le chef de la diplomatie marocaine a annoncé que « face à ce développement inacceptable, le Royaume du Maroc a décidé le rappel en consultation de l'Ambassadeur de Sa majesté le Roi en Algérie, sans préjudice des actions que les institutions économiques nationales diffamées par le ministre algérien, pourraient prendre ». « Ces déclarations sans fondement ne sauraient porter atteinte à la crédibilité ni au succès de la coopération du Royaume du Maroc avec les pays africains frères, et qui est largement saluée par les Chefs d'Etat africains et appréciées par les populations et les forces vives du continent » a exprimé le ministère dirigé par Nasser Bourrita  pour qui d'ailleurs, « ces allégations mensongères ne peuvent justifier les échecs ou cacher les véritables problèmes économiques, politiques et sociaux de ce pays, et qui touchent de larges franges de la population algérienne, notamment la jeunesse ».

« L'engagement pour l'Afrique ne peut être réduit à une question de ressources financières, sinon l'Algérie avec ses pétrodollars aurait pu réussir. Il s'agit plutôt d'une vision claire, volontariste et agissante, ayant foi dans les pays et peuples frères de l'Afrique et investissant en un avenir commun à leur côté. A l'ère où les institutions autant que les populations ont un accès libre à l'information, nul ne peut bercer indéfiniment de mensonges l'opinion publique ou les opérateurs économiques, ni insulter leur intelligence sur la durée ».

Pour la diplomatie marocaine, les propos tenus par le ministre algérien sur des institutions bancaires et la compagnie aérienne nationale, « témoignent d'une ignorance aussi profonde qu'inexcusable des normes élémentaires du fonctionnement du système bancaire et de l'aviation civile, tant à l'échelon national qu'international ». Du reste, a poursuivi la même source « l'action efficace et les efforts considérables du Royaume du Maroc, notamment en matière de lutte contre les trafics de drogues, y compris en particulier les substances psychotropes en provenance de l'Algérie, sont largement connus au niveau international et reconnus par les institutions internationales spécialisées ».

En Août dernier, dans un message à la nation exclusivement consacrée au continent, le roi du Maroc avait déjà tenu à lever tout équivoque sur le sujet en s'adressant à ses concitoyens.

« Quant à ceux qui, bien qu'au fait de la vérité, s'ingénient néanmoins à colporter nombre de mystifications, notamment que le Maroc débourserait des sommes considérables en Afrique, au lieu de les allouer aux marocains, il est clair que ce n'est pas l'intérêt du pays qui les guide. En réalité, l'orientation du Maroc vers l'Afrique ne changera rien à nos positions et ne se fera pas au détriment des priorités nationales. A l'inverse, elle apportera une plus-value à l'économie nationale et contribuera à renforcer les relations de notre pays avec sa profondeur africaine ». Mohammed VI.

Lire aussi : Maroc : Mohammed VI à cœur ouvert sur l'Afrique

Levée de boucliers et risques de nouvelles tensions diplomatiques

La sortie médiatique du ministre marocain a provoqué une véritable levée de boucliers au sein de l'opinion marocaine qui s'est indignée des propos tenus, lesquels ont vite fait le tour des médias sociaux.  A la suite de la mise au point du ministre, le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) est lui aussi montée au créneau pour « s'insurger vigoureusement contre ces allégations graves et mensongères qui témoignent de l'ignorance totale et flagrante des règles de gouvernance et d'éthique qui régissent les activités des banques marocaines dans le monde et bien entendu sur le continent africain ». Tout en se réservant tous les droits de recours contre Messahel, l'association professionnelle des banques marocaines assure que les établissements bancaires et financiers marocains restent «vigilants et mobilisés afin de préserver et de renforcer notre présence et notre contribution au développement économique et social en Afrique, dans le strict et constant respect des meilleures pratiques internationales ainsi que des normes et standards les plus modernes ».

« Les établissements bancaires marocains associés à des banques internationales de renom, sont encadrés par une législation bancaire des plus modernes avec des normes avancées de lutte contre le blanchiment de capitaux et sont soumis à une supervision bancaire rigoureuse et en continu par la banque centrale du Maroc (Bank Al Maghrib).Les banques marocaines appliquent cette même rigueur de conformité dans leur développement à l'international y compris en Afrique avec une stratégie clairement définie et un modèle transparent dans tous ses volets, économiques, financiers, techniques, humains et sociaux ». GPBM

De son coté, la RAM également citée par le ministre algérien a tenu à réagir pour « s'indigner de ces propos calomnieux exprimés à l'égard d'une compagnie aérienne qui œuvre, depuis plusieurs décennies, pour le renforcement des liens sociaux et économiques en Afrique ».

« En effet, peut-on imaginer un seul instant que l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale accepte que l'un de ses membres, en l'occurrence le Maroc, permette à sa compagnie aérienne de transporter des matières illicites? L'OACI et les autorités aéronautiques de chaque pays sont particulièrement vigilantes et soucieuses du strict respect de la réglementation internationale en matière de sécurité et de sûreté.(...). Royal Air Maroc est une compagnie internationalement reconnue opérant selon les meilleurs standards de la réglementation du transport aérien mondiale ». RAM

Pour la compagnie aérienne marocaine, « le chef de la diplomatie algérienne a cru pouvoir gravement diffamer la compagnie Royal Air Maroc en tenant des propos dénués de tout fondement. Ces déclarations ont été tenues incontestablement dans l'intention de nuire au rayonnement du Maroc à travers sa compagnie aérienne nationale. Ce qui dénote d'un manque de professionnalisme flagrant et d'une méconnaissance totale de la diplomatie ».

En Algérie aussi, plusieurs voix se sont insurgés contre les « propos déplacés du ministre Messahel, un diplomate pourtant chevronné » et qui sont de nature à provoquer une nouvelle tension avec le voisin marocain. Dans un point de presse ce samedi,   le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Abdelaziz Benali Cherif, a ainsi voulu tempérer les propos de son chef soulignant que c'est sur « insistance des hommes d'affaires à comparer l'Algérie au Maroc en matière d'investissement »  que le ministre Messahel  avait fait son commentaire. « Le ministre n'avait pas prévu de parler du Maroc lorsqu'il a été invité par le Forum des chefs d'entreprise » a déclaré le porte-parole de la diplomatie algérienne.

Il reste à savoir si la diplomatie marocaine se contentera de ces déclarations, les relations entre les deux pays étant déjà tendues, les risques d'une nouvelle escalade diplomatique ne sont pas exclus. Pour rappel, la frontière terrestre entre les deux pays est fermée depuis 1994, ce qui constitue le principal obstacle à l'intégration maghrébine.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 26/10/2017 à 21:41
Signaler
Le ministre Algerien avait raison . Le monde entier combat la drogue sauf le maroc qui la vend au su et a la vue du monde entier .Ca veut dire quoi ????

à écrit le 25/10/2017 à 16:24
Signaler
cet article resume tout http://www.voltairenet.org/article6811.html

à écrit le 22/10/2017 à 14:27
Signaler
Je ne voudrais pas être désagréable, mais cet article est truffé de fautes d'orthographe (il existe des correcteurs automatiques pourtant :-)) et n'a pas été relu avec attention, par exemple la confusion de nationalité des ministres des affaires étra...

à écrit le 22/10/2017 à 12:44
Signaler
Qu'il hausse, qu'il hausse, qu'il braille, on s'en fout ! S'il a de la dignité, qu'il coupe les relations diplomatiques ! Nous on n'achète pas des articles de complaisance sur le Net pour une poignée de dirhams ou trois nuitées à marrakech filles co...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.