Côte d’Ivoire : l’éducation est la clé de l’émergence selon la Banque mondiale

La Banque mondiale vient de rendre public un rapport sur l’état et les perspectives d’évolution de l’économie ivoirienne. Le pays affichel'un des taux de croissance les plus dynamiques du continent mais doit mener des réformes structurelles pour atteindre l’émergence que prône les autorités. Parmi les pistes que vient de livrer la Banque mondiale, la réforme du système éducatif afin d’en accroître la qualité.

C'est peut-être une manière de se donner bonne conscience, après la vague de contestations sociales qu'a vécu le pays, il y a quelques jours, mais le rapport que vient de publier la Banque mondiale sur l'économie ivoirienne a de quoi mériter l'attention des autorités. Avec un de rythme de croissance économique qui est actuellement l'un des plus dynamiques du continent et dans un contexte régional et mondial assez morose, le pays tire certes son épingle du jeu mais fait face à une multiplication des facteurs à risques qui sont de nature à plomber cette relative embellie. Alors que la production agricole a pâti de mauvaises conditions climatiques (notamment le secteur du cacao qui tourne au ralenti), la construction et les services ont tiré la croissance du pays, a relevé la Banque mondiale qui se satisfait également de la solidité du cadre macroéconomique, une inflation maîtrisée et des comptes extérieurs relativement stables. Toutefois, le rapport fait constater que le déficit public est à la hausse atteignant 4% du PIB, du fait de la progression des dépenses sécuritaires, suite aux attentats terroristes survenus en mars 2016, et de la volonté de l'État de combler les déficits du pays en infrastructure.

Facteurs à risques

Les manifestations sociales qu'a connu la Côte d'Ivoire en ce début d'année ont sonné comme une alerte grandeur nature pour les autorités du pays et ne sont pas sans susciter les inquiétudes sur l'efficacité des politiques mises jusque-là en œuvre et qui sont censées conduire le pays vers l'émergence à l'horizon 2020. C'est en tout cas l'une des promesses de campagne du président Alassane Dramane Ouattara (ADO) et dont le nouveau gouvernement compte poursuivre la mise en œuvre après les résultats obtenus durant la première phase du plan qui a coïncidé avec le premier mandat de l'actuel chef d'Etat ivoirien. Ce qui suppose donc une croissance encore plus soutenue mais également plus inclusive.

« Le maintien d'une forte croissance économique va en partie dépendre de la capacité du gouvernement ivoirien à stimuler le secteur privé et à gérer les risques tant internes qu'externes», a estimé, à ce sujet, Jacques Morisset, économiste en chef et coordinateur des programmes de la Banque mondiale en Côte d'Ivoire. Selon lui, l'un des  principaux risques externes est la baisse du cours international du cacao qui a chuté de 25% au cours des 12 derniers mois. Il s'agit en effet du premier produit d'exportation du pays et la source de revenus de 6 millions de familles ivoiriennes.

La Banque mondiale prévient également qu'une hausse des coûts des emprunts sur les marchés financiers risquerait de peser sur la dette de l'État ivoirien et de limiter ses capacités de financement.  A coté de ces facteurs à risques exogènes, le rapport rappelle que « de bonnes conditions climatiques et un environnement politique stable seront également déterminants pour maintenir cette trajectoire de croissance ».

Selon les auteurs du rapport, pour maîtriser ces risques et générer une croissance durable et plus inclusive, « l'économie ivoirienne devra poursuivre ses efforts de diversification et augmenter la valeur ajoutée de ses exportations en s'inspirant des pays émergents qui fabriquent des produits de plus en plus sophistiqués ». Ainsi, au niveau industriel, et au-delà des efforts pour accroître la compétitivité de ce secteur, le rapport souligne qu'il existe des niches à exploiter, notamment dans le pharmaceutique et le cosmétique, l'imprimerie ou encore la menuiserie. « La sous-région et le reste du continent restent encore des marchés inexplorés et pourraient constituer des relais de croissance », poursuit le rapport.

Investir dans l'éducation

Au delà de ces pistes, assez généralistes, que livrent le rapport à l'intention des autorités ivoiriennes, c'est surtout sur la réforme du système éducatif qu'a insisté la Banque mondiale. La principale raison semble, somme toute, assez logique comme l'a mis en évidence le rapport qui rappelle que « pour produire plus et mieux, il faut des compétences, lesquelles s'acquièrent en grande partie sur les bancs de l'école, pendant les années de formations professionnelles et au sein de l'université ». Malheureusement, ont relevé les auteurs du rapport, « la décennie de crise que le pays a traversée a porté un sérieux coup au système éducatif ivoirien ». Depuis et malgré les efforts des autorités ivoiriennes entrepris dès 2011, « le pays reste à la traîne » comme en témoigne quelques chiffres. Avec seulement 63,1 % des élèves ivoiriens qui achèvent le cycle primaire contre 72,6 % en Afrique et 92,8 % dans les pays à revenu intermédiaire, le pays a du chemin à faire pour prétendre à l'émergence

Pour la Banque mondiale, afin d'atteindre le statut d'économie à revenu intermédiaire, le pays devra entreprendre une réforme de son système éducatif en misant sur l'accroissement de la qualité des dépenses publiques destinées au secteur.

Pistes de réforme

Le rapport s'est appuyé sur certaines mesures envisagées par le gouvernement ivoirien pour améliorer la performance du secteur éducatif du pays, pour apporter ses propres correctifs mais aussi des recommandations pour une réforme plus efficace. Les autorités ont en effet prévu de rehausser les ressources budgétaires en direction de ce secteur en plus de l'adoption de la gratuité de l'école pour tous et jusqu'à l'âge de 16 ans. Selon le rapport de la Banque mondiale, « l'une des priorités serait d'améliorer l'efficacité des dépenses publiques en matière d'éducation car pour chaque pourcentage du PIB injecté dans le système éducatif, l'espérance de vie scolaire n'augmente que de 1,6 an en Côte d'Ivoire contre 3,5 ans dans des pays émergents comme la Thaïlande et l'Ile Maurice ».

Il faut donc que l'État ivoirien dépense non seulement plus mais également mieux en matière d'éducation a souligné la Banque mondiale. « L'un des moyens d'améliorer la qualité et l'efficacité des dépenses publiques serait de rémunérer les enseignants ivoiriens, qui perçoivent des salaires élevés par rapport à leurs collègues dans d'autres pays africains, en fonction de leur performance », a expliqué Francis Ndem, l'un des auteurs du rapport. L'une des recommandations formulées par le rapport et qui va certainement faire des vagues dans le pays, au cas où les autorités décident de l'intégrer dans leur plan de réforme, c'est la révision du système des subventions publiques pour les écoles privées. « Le fait que les subventions aux écoles privées accueillant des élèves ne pouvant être pris en charge par le secteur public devraient être repensées », estime le rapport qui souligne que l'objectif dans ce sens, sera d'offrir aux familles un système d'aide financière directe plus efficace et la liberté de choisir l'école de leurs enfants. Le rapport a également recommandé une diminution des dépenses administratives considérées élevées en Côte d'Ivoire et de privilégier l'achat de matériel et d'équipements scolaires.

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