Côte d’Ivoire : du cash comme remède à « l’épilepsie sociale » ?

Face à l’ampleur prise par l’explosion des revendications sociales qui affectent le pays depuis quelques jours, le gouvernement ivoirien a annoncé un plan d’urgence pour contenir la situation. Des mesures qui pour les contestataires se résument à une amélioration de leur pouvoir d’achat notamment l’augmentation des traitements salariaux. Ouattara va donc devoir encore user de la diplomatie du chéquier pour sortir de cette impasse engendrée par la boite de pandore qu’il a ouverte avec les ex-rebelles.

« Nous voulons rassurer les populations de que nous travaillons à la résolution de cette situation » dixit le ministre ivoirien de l'intérieur  Hamed Bakayoko. C'est en substance, le message envoyé aux ivoiriens par le gouvernement qui s'est réuni en Conseil des ministres ce mercredi pour trouver des solutions destinées à contenir la valse de fronde sociale que vit le pays depuis quelques jours. Une véritable « épilepsie sociale » à vrai dire avec des mutineries à répétition, des grèves en série dans la fonction publique et des débrayages lancés par les scolaires en plus des producteurs de cacao et autres corps organisés qui veulent entrer en scène pour « revendiquer leur droit ».

Ce mercredi, le Conseil des ministres qui s'est réuni autour du président Ouattara a été consacré à la situation sociale  selon le porte-parole du gouvernement. « Le climat actuel de tensions sociales préoccupe le gouvernement qui recherchera avec tous les acteurs, des solutions justes, supportables et durables » avait d'ailleurs annoncé Bruno Koné, le porte-parole du gouvernement, la veille du Conseil.

Le « Militaire Challenge », la boite à pandore

C'est dans les casernes que la situation est devenue la plus inquiétante avec l'entrée en scène des gendarmes, des policiers et du reste des militaires qui n'ont pas été concernés par l'accord trouvé, il y a quelques jours, avec les ex-rebelles. Ce sont ces derniers qui ont allumé la mèche à travers le pays, avant que le vent de la contestation s'étende à toute la Côte d'Ivoire, principalement dans les grandes villes du pays. A Abidjan,  par exemple, des gendarmes ont bloqué le port ce mercredi matin à l'image de ce qui s'est passé hier dans d'autres casernes à Yamoussokro et dans plusieurs localités.

La décision du gouvernement d'accéder aux revendications des ex-rebelles qui ont été les premiers à  mutiner a ouvert la boite de Pandore. Le cash qui leur a été distribué a attisé la convoitise des autres corps qui ont suivis la tendance, ce qui a donné naissance à un nouvelle mode de contestation, le « militaire challenge ». En somme, les droits sociaux sont au bout de la gâchette et c'est ce qui pourrait expliquer les poussées de violence ayant marqué les manifestations de revendication même au sein des grèves des scolaires où des blessés ont été enregistrés. Les différents corps de défense et de sécurité du pays dans leur ensemble se sont joint à la valse de mutinerie pour revendiquer une hausse de leur solde ou des indemnités au même titre que leurs confrères ex-rebelles qui ont eu gain de cause en quelques jours.

 « Nous sommes en discussion avec les corps qui manifestent et nous ferons en sorte que tout cela cesse » a déclaré pour sa part le ministre de la Défense nationale, Alain Donwahi, au sortir du conseil des ministres. Le président Ouattara a ainsi appelé les militaires à regagner leurs casernes et que leurs revendications seront prises en compte a également annoncé le gouvernement.

Dialogue social

Avec les syndicats des agents de l'Etat, en grève depuis le 9 janvier dernier, le gouvernement a également amorcé un dialogue. Les deux parties ont tenus une première réunion mardi dernier et devraient se retrouver ce jeudi pour un probable accord. Selon le ministre de la fonction publique, Adama Koné, les représentants des syndicats professionnels ont été rassurés sur le fait que leurs revendications «  auront un écho favorable auprès du gouvernement ». Toutefois, l'appel des autorités à une reprise du travail dès le 17 janvier n'a pas été accepté par les syndicalistes qui attendent la rencontre de ce jeudi et les propositions du gouvernement pour se prononcer. Au contraire, la plate-forme regroupant les principaux syndicats du pays font même monter les enchères.  Selon Theodore Gnagna Zadi, un des responsables du mouvement, la décision a été prise de « poursuivre la grève jusqu'à satisfaction totale de leurs revendications ». A titre de rappel, les 200.000 fonctionnaires ivoiriens, selon les chiffres officiels, revendiquent entre autres, l'apurement des 243 milliards de FCFA représentant le stock des arriérés liés à l'indemnité de logement et à la bonification indiciaire, la suppression des dispositions à problème de l'ordonnance de 2012 sur la pension de retraite, de l'impôt sur le traitement des salaires (ITS) et la Contribution nationale (CN) ainsi que l'obtention des 150 points d'indice, le rétablissement des check off (les précomptes à la source) et l'intégration des 1800 agents journaliers dans la Fonction Publique.

 En attendant, la poursuite du dialogue et les mesures d'urgence pour les doléances pressantes, un forum social est prévu en février prochain à Grand-Bassam.

Le prix de la paix social

Face à l'explosion des revendications sociales, le gouvernement sait qu'il y a une seule option qui permettrait, à court terme, de stopper la valse de contestation. En clair, Ouattara va devoir user du chéquier ainsi que l'entendent les manifestants, galvanisés par la suite donnée aux mutins. C'est là une des premières urgences pour le nouveau gouvernement, installé il y a à peine une semaine, et qui doit agir en urgence pour trouver des solutions concrètes aux doléances des uns et des autres. La paix social a un prix mais lequel ? Telle est la principale question de l'heure.

En théorie, le pays qui surfe sur une dynamique de croissance assez soutenue ces dernières années, a des marges de manœuvres même si en l'état actuel des choses, il sera difficile de satisfaire toutes les revendications. Surtout que l'explosion du contexte social a fait émerger les risques que courraient le pays, lequel n'a visiblement pas encore soldé les comptes de la crise politique, sécuritaire et électorale qu'il a connu de 2000 à 2010. C'est le principal et véritable défi pour ce second et dernier mandat d'Alassane Ouattara à l'aube de cette 3e République qu'il a promis et qui est devenue effective il y a quelques semaines. Il va falloir passer désormais aux choses sérieuses et concrétiser les nombreuses et audacieuses promesses faites aux citoyens.

L'émergence promise pour 2020 est une chose mais dans l'urgence, les besoins sociaux sont les plus pressants. Et la crise actuelle n'est qu'une alerte pour les autorités du pays qui fort heureusement viennent de se voir imposer une nouvelle feuille de route qui semble bien reçue auprès des destinataires au vu de leur réaction qui plaide plus à l'apaisement.

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Commentaires 2
à écrit le 20/01/2017 à 11:31
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agir en professionnel et que la sagesse vous conduit dans les négociations les plus fiables et favorable à tous mais aussi reste vigilant dans les salles mains vive la côté d'Ivoire vive la démocratie vive la paix je vous remerci

à écrit le 20/01/2017 à 11:30
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agir en professionnel et que la sagesse vous conduit dans les négociations les plus fiables et favorable à tous mais aussi reste vigilant dans les salles mains vive la côté d'Ivoire vive la démocratie vive la paix je vous remerci

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