Sécurité maritime : le salut technologique

Du Golfe d’Aden au Golfe de Guinée, en contournant le Sud de l’Afrique, le continent baigne depuis des années dans une insécurité maritime montante. Si la gravité de la situation varie relativement d’une zone à l’autre, les nouvelles technologies sont devenues des armes de choix pour lutter contre ce fléau qui n’est pas sans conséquences sur l’économie des Etats africains
Ristel Tchounand

Innovation et technologie, solutions ultimes pour le renforcement de la sécurité maritime en Afrique ? C'est en tout cas ce que plusieurs experts s'accordent pour dire depuis quelques années. « L'une des solutions pour les dépasser [ndlr :les contraintes entravant l'efficacité de la sécurité maritime] est d'investir de manière stratégique dans le secteur de la science et de la technologie », relève, tel un constat sans appel, le Centre d'études stratégiques de l'Afrique dans son bulletin de la sécurité en Afrique publié en février 2011 sous la thématique : « Relever les défis de la sécurité maritime en Afrique grâce aux investissements en sciences et technologies ».

Face à la montée de l'insécurité d'abord dans le Golfe d'Aden, puis dans le Golfe de Guinée, désormais le point chaud du continent, la question de la sécurité maritime est plus que jamais un défi prioritaire pour le continent.

Les limites des techniques traditionnelles

Alors qu'il y a encore quelques décennies, la sécurité maritime sur le continent consistait essentiellement en une surveillance terrestre, la gravité de la situation a quasiment imposé la technologie comme solution incontournable pour lutter contre l'insécurité en mer. D'autant plus que le déplacement des pirates du Golfe d'Aden vers le Golfe de Guinée a confirmé les limites des méthodes jusque-là employées.

Pour mémoire, les principales solutions à la piraterie dans le Golfe d'Aden ont consisté en la création d'une flottille internationale pour lutter contre les attaques. Cette mesure fait suite à l'adoption d'une série d'actes juridiques par le Conseil de sécurité de l'ONU. L'assurance maritime a également été un allié important. Près de 50% des navires traversant la zone détenaient une assurance antipirates.

sécurité maritime

Cela s'est soldé par une chute, aussi vertigineuse que salutaire, des actes de piraterie dans le Golfe d'Aden. Ces derniers sont passés de plusieurs dizaines à deux seulement en 2014. Mais si les responsables africains pensaient qu'ils pouvaient crier victoire, il n'en n'était rien, puisque la majorité des pirates opérant traditionnellement dans le Golfe d'Aden ont désormais élu domicile dans le Golfe de Guinée où leurs attaques se multiplient à une vitesse exponentielle depuis lors. Au point d'avoir transformé cette partie ouest-centre du continent en nouveau fief de la piraterie. En 2015, le Think tank international Oceans Beyond Piracy (OBP) y a répertorié 54 incidents de piraterie et 346 enlèvements de marins.

Pendant longtemps, les Etats africains sont restés limités par le manque de ressources tant logistiques, que techniques et humaines. D'ailleurs, plusieurs experts jaugeaient le défi de la sécurité maritime en Afrique, par rapport à ce manque de ressources face à de vastes espaces à sécuriser, soit jusqu'à 200 miles nautiques de zone économique exclusive au large de chaque pays côtier.

La révolution des nouvelles TIC

Face au pillage important des ressources naturelles transportées par voie maritime, (le pétrole et le cacao principalement) de plus en plus de pays africains investissent dans du matériel de surveillance marine. Ainsi, les frégates, corvettes, navires côtiers d'attaque rapide, patrouilleurs côtiers, avions de surveillance maritime ou encore hélicoptères font désormais partie intégrante de l'arsenal anti-insécurité maritime de certains Etats africains. Le Nigéria, l'Afrique du Sud ou plus récemment la Guinée équatoriale se targuent d'un niveau d'équipement important en la matière.

Dans un autre registre, les nouvelles technologies de communication augmentent l'efficacité de la surveillance en mer. Leur usage est largement favorisé par des partenariats public-privés entre gouvernements et multinationales. Aussi les radars conventionnels ont-ils laissé place à l'ARPA (Aide de pointage radar automatique). Il s'agit d'un équipement radar de navigation permettant d'assurer le suivi des échos afin d'aider le navigateur des bateaux de surface, dans le choix d'une manœuvre pour éviter la collision.

Toujours en quête de solutions innovantes face à la montée en puissance de la piraterie en mer, l'Organisation maritime internationale (OMI) a imposé en mai 2006 l'identification à longue portée et de suivi (LRIT). Cette technologie permet aux navires qui en sont équipés d'être des sources d'information, non seulement pour leur Etat de tutelle, mais aussi au profit pays limitrophes.

Zoom sur le système SIA

L'autre outil incontournable de ces dernières années est bien le système d'identification automatique (SIA), un système d'échanges automatisés de messages entre navires par radio VHF (très hautes fréquences) qui permet aux navires et aux centres de surveillance de trafic côtier de connaître l'identité, le statut, la position et la route des navires se situant dans la zone de navigation. Selon le Centre d'études stratégiques de l'Afrique, cette technologie peut « fournir de des données essentielles pour la sécurité maritime en Afrique ».

« Les données SIA permettent de suivre les navires soupçonnés de transporter des marchandises illégales, telles que des armes ou du pétrole volé, et les grands bateaux frigorifiques qui transbordent des pêches clandestines », explique l'institution dans son rapport sur l'importance des investissements en technologie pour la sécurité maritime en Afrique.

A l'heure du drone !

Au milieu de toutes ces solutions technologiques, l'une des innovations qui suscite un vif intérêt chez les candidats à la lutte contre l'insécurité maritime n'est autre que le drone. Là encore, de nombreux experts s'accordent à dire que le drone est « une technologie incontournable en matière de surveillance ».

Plus discret qu'un avion de surveillance conventionnel, le drone est une technologie de plus en plus prisée dans la sécurité maritime. L'Afrique du Sud a déjà procédé à des tests pour s'en procurer. Le Nigéria a, quant à lui, annoncé en septembre 2015 un plan de déploiement des drones pour la surveillance des activités de ses navires pétroliers en mer.

Le Ghana et le Togo étudient également l'éventualité d'utiliser des drones pour surveiller leurs espaces maritimes. D'ailleurs, le site dédié au Sommet organisé à Lomé le 15 octobre prochain fait écho à la récente commercialisation par la société israélienne Skysapience d'un drone qui serait, selon la même source, « adapté aux besoins des pays de la région [africaine] ».

Si les Etats africains prennent peu à peu conscience de la donne technologique face à l'insécurité maritime, les experts ont longtemps regretté l'absence de synergie des systèmes de surveillance notamment dans le Golfe de Guinée qui est aujourd'hui, la zone côtière d'Afrique la plus exposée. La signature de la charte africaine de la sûreté et la sécurité maritime, première du genre, sera d'ailleurs le point culminant du Sommet de Lomé. Mais jusqu'ici, les déclarations officielles restent muettes sur les solutions techniques et technologiques qui sont à la portée des pays africains. « Mais c'est certain, les questions liées à la technologie seront traitées en profondeur pendant le Sommet de Lomé », indique à La Tribune Afrique Arimiyao Tchagnao, le président du Réseau des journalistes africains pour la sécurité maritime. D'autant plus que la grande majorité des pays africains restent encore technologiquement démunis face à l'insécurité maritime.

Encadré/ De l'argent et des hommes

Jusqu'ici sur le continent, seules l'Afrique du Sud, le Nigéria, et plus récemment la Guinée équatoriale, se démarquent en termes d'équipements technologiques pour faire face à l'insécurité maritime. Pour les autres pays, le sous-équipement technologique est couplé à une quasi inexistence de ressources humaines habilitée à prendre en main cet hypothétique équipement.

Dans sa stratégie pour le renforcement de la sûreté maritime en Afrique de l'Ouest et du Centre publié en septembre 2015, l'OMI envisage l'enseignement des technologies maritimes dans les universités africaines telles que l'Université maritime régionale (RMU) au Ghana et l'Académie régionale des sciences et techniques de la mer (ARSTM) en Côte d'Ivoire. Mais seule une mise à disposition de fonds permettrait d'atteindre cet objectif. Dans ce sens, une aide précieuse pourrait émaner de l'Union Européenne. En effet, le Conseil de l'Union européenne, dans son Plan d'action 2015-2020, prévoit un soutien au déploiement des technologies de l'information et de la communication les plus avancées, ainsi que la promotion de la formation maritime et de l'étude des technologiques maritimes; en Afrique.

Ristel Tchounand

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