Gabon : le report des législatives, une chance pour le dialogue politique ?

La Cour constitutionnelle gabonaise saisie par le premier ministre a autorisé le report à l’année prochaine des législatives qui devraient se tenir initialement en ce mois de décembre. Les autorités ont jusqu’au 29 Juillet 2017 pour organiser le scrutin, ce qui donne un délai supplémentaire au pouvoir et à l’opposition de poursuivre le processus de dialogue politique en vue d’un probable accord. A condition toutefois que le camp Ping accepte enfin d’y participer et c’est tout l’enjeu pour le régime d’Ali Bongo.

La classe politique gabonaise a presque pris acte de la décision du gouvernement de donner suite à la décision de la Cour constitutionnelle de reporter de sept mois  les élections législatives. Initialement, le scrutin destiné à élire les députés au Parlement, devait se tenir en décembre ou au plus tard en janvier prochain. Saisie par le premier ministre, Franck Emmanuel Issoze Ngondet, la Cour constitutionnelle a estimé, dans un communiqué publié  en fin de semaine, que les raisons invoquées par le gouvernement constituent « un cas de force majeure » et justifie de ce fait le report de l'organisation des législatives au 29 juillet prochain au plus tard. Les arguments mis en avant par le gouvernement et qui ont convaincu la Cour présidée par, Marie Madeleine Mborantsuo, sont relatifs aux difficultés financières que traverse le pays et la prise en charge de dépenses imprévues suite aux violences post-électorales qu'a connue le Gabon il y a quelques mois. On se rappelle qu'en Août dernier, la contestation des résultats de l'élection présidentielle ont dégénéré entre les partisans du président Ali Bongo Omdimba et ceux de son adversaire Jean Ping. Les affrontements qui ont duré plusieurs jours ont fait plusieurs morts et d'importants dégâts matériels.

« Les difficultés financières ainsi que la prise en charge dans l'urgence, des dépenses imprévues consécutives aux violences enregistrées à l'issue de l'élection du président de la République du 27 août 2016 constituent un cas de force majeure autorisant l'organisation de l'élection des députés à l'Assemblée nationale au plus tard le 29 juillet 2017  ». Marie Madeleine Mborantsuo,  présidente de la Cour constitutionnelle du Gabon.

Décision attendue en dépit de diverses interprétations

Le gouvernement a par la suite indiqué, à travers le ministre de l'Intérieur Lambert Matha qu'il prend compte de l'avis de la Cour, ce qui officialise de ce fait le report des élections.  Dans un communiqué officiel publié le samedi dernier, le ministre a d'ailleurs souligné que c'est à l'initiative de la Commission électorale nationale autonome et permanente (CENAP) qui a saisit le gouvernement sur l'insuffisance de budget pour  l'organisation du scrutin, que le premier ministre s'est adressé à la Cour. Il faut dire que ce report était attendue depuis quelques temps, tant dans le camp de la majorité que celui de l'opposition. Dans l'ensemble, la classe politique a d'ailleurs pris acte de la décision même si certains leaders proches du principal opposant Jean Ping remettent en cause les arguments mis en avant par le gouvernement. « Le budget relatif à l'organisation du scrutin législatif a été entériné dans la loi de finances de l'exercice en cours qui a été adopté en 2015 » a relevé un opposant pour qui les raisons de ce report sont à chercher ailleurs.

Les difficultés financières mise en avant par le gouvernement sont certes un argument valable justifiant le report des législatives comme l'a estimé la Cour constitutionnelle, surtout que le pays accueille en janvier prochain, l'édition 2017 de la Coupe d'Afrique des nations de football (CAN 2017). Toutefois, d'autres impératifs liés à la situation politique du pays entrent également en jeu et confortent ceux qui voient en ce report, « un sursis pour le gouvernement toujours en quête d'asseoir sa légitimité ». La fracture causée par la crise post-électorale qui a suivie les dernières élections présidentielles est encore ouverte. Des tentatives de dialogue politique ont certes été engagées entre le pouvoir et l'opposition mais seule une partie pas assez représentative de cette dernière a accepté pour le moment d'y participer. Le camp Ping continue de contester la victoire d'Ali Bongo et refuse toute négociation avec un pouvoir jugé "usurpé".

Sursis supplémentaire pour le dialogue

Selon certains observateurs, le report avantage plus le pouvoir qui pourrait compter sur ce délai supplémentaire pour espérer, à défaut de parvenir à un accord global, de rallier certains partis de l'opposition. Avec les multiples défections de certains leaders qui rejoignent un par un la table des négociations, le pouvoir pourrait ainsi faire participer une partie de l'opposition politique au prochain scrutin. En  décembre 2011, lors du dernier scrutin, celle-ci a boycotté le scrutin et le Parti démocratique gabonais (PDG)  du président Ali Bongo a raflé 114 sièges sur  les 120 députés dont le mandat devrait en principe expirer le 27 février prochain mais qui sera prolongé de quelques mois.

Le rendez-vous est donc pris pour les sept prochains mois et plusieurs scénarios sont encore possibles. Si l'avantage semble pour le moment du coté du pouvoir, il n'est pas exclu que l'opposition s'incruste dans cette brèche ouverte par le report des élections pour raviver sa contestation des résultats de la réélection de l'actuel président.

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