Fuite des cerveaux : l'Afrique cherche toujours des leviers pour stopper l'hémoragie

En plus du retard qu'elle accuse en matière de sciences et d'innovation, l'Afrique est privée chaque année de ces meilleurs cerveaux, rendant ainsi la tâche davantage plus difficile... Selon les chiffres de l'OCDE, un scientifique africain sur dix exerce dans un pays de l'organisation. Cela dit, des nouvelles idées capables en théorie de palier au besoin de cerveau en Afrique commencent à se répandre...
Mehdi Lahdidi

La fuite des cerveaux demeure l'une des principales problématiques qui entrave la capacité de l'Afrique à se renouveler et à innover. Cette migration massive des scientifiques et des experts africains qualifiés persiste depuis le début des années 80 pour plusieurs raisons. Faible rémunération, manque d'équipements de recherche, préférence accordée aux consultants étrangers en raison des mécanismes de financement bilatéraux et multilatéraux décourageant les experts nationaux qualifiés et les incitant au départ, il est difficile de comprendre les motivations pour quitter le continent. En même temps, les Etats doivent absolument trouver des solutions efficaces pour retenir leurs talents. C'est l'appel que lance The African Capacity Building Foundation, une organisation continentale fondée par les gouvernements africains et les partenaires de développement à travers son rapport, l'African Capacity Report 2017.

L'institution tire, en effet, la sonnette d'alarme quant à la dépendance des projets industriels et technologiques africains à l'égard des professionnels expatriés. Selon l'étude, ces derniers partagent rarement leur expertise et leurs connaissances avec leurs partenaires. Il faut bien que la connaissance reste rentable...

un scientifique sur dix concerné

En même temps l'Afrique ne fait rien pour retenir ces fils et filles les plus ambitieux. En effet, si la fuite des cerveaux n'épargne aucun pays, ses proportions en Afrique restent quand même inquiétantes.  Selon la plus récente étude de l'OCDE sur le phénomène, une personne sur neuf nées en Afrique, titulaire d'un diplôme du supérieur vivait dans un pays de l'Organisation pour la coopération économique et le développement (OCDE) en 2010/11. Et le chiffre risque d'augmenter. Le nombre de migrants africains titulaires d'un diplôme du supérieur qui ont migré à l'étranger au cours des cinq dernières années était estimé à 450.000. A titre de comparaison, ce chiffre supérieur à celui du nombre de migrants chinois qui lui est situé à 375.000.

Mais qui sont les pays africains les plus concernés par cette fuite des cerveaux ? Selon l'étude de l'OCDE, le pourcentage de personnes hautement qualifiées vivant dans les pays-membre de l'organisation est important en Zimbabwe (43 %), la Maurice (41 %), et la République du Congo (36 %). Selon le rapport du World Economic Forum sur la compétitivité des pays de 2014, le Burundi est le pays africain le moins capable de conserver ses meilleurs professionnels, suivi de l'Algérie, de la Mauritanie, du Tchad et de la Guinée.

Evidemment, cette migration n'est pas sans répercussion sur les Etats africains. Elle constitue un obstacle majeur à l'amélioration de la performance technologique et au développement des institutions plus robustes en matière de sciences, de technologies et d'innovation dans les pays africains. Pire encore, étant donné que l'Afrique continue de perdre ses plus brillant cerveaux au profit des pays développés, le continent est privé simultanément de ses connaissances technologiques pourraient le mettre directement sur le chemin du développement.

Et si on s'inspirait du foot...

Face à ce fléau, et étant donné que dans la plupart des pays africains « pensent » ne pas avoir les moyens pour développer leurs capacités scientifiques et innovatrices, les institutions africaines cherchent toujours un modèle qui fera profiter le continent de ces talents perdus. Le plus ambitieux, appelé « Fifarisation » de la science et de la technologie, commence à se répandre comme une trainée de poudre encouragé par le « Réseau d'études sur la politique technologique en Afrique ». Il s'inspire du modèle de la Fédération Internationale de Football Association (FIFA) et propose de l'appliquer sur les chercheurs et les scientifiques africains exerçant à l'étranger. En vertu des règles de la FIFA, les clubs de football professionnels étrangers sont tenus de libérer leurs joueurs pour défendre les couleurs de leur pays d'origine pendant les événements majeurs comme la Coupe d'Afrique des Nations. De la même façon, les accords de Fifarisation des scientifiques et des chercheurs africains leur permettraient de retourner dans leur pays d'origine, lorsque l'occasion se présente et d'obtenir la permission de contribuer en temps opportun à tracer la voie à suivre pour le développement de la science dans leur pays. Une fois leur mission accomplie, ils regagneraient leur base à l'international.

Bien entendu, ce n'est pas une idée facile à réaliser. Supposant la bonne foi des partenaires de l'Afrique et des employeurs des scientifiques africains, l'application de ce modèle nécessitera la reconnaissance des potentiels participants, une base de données sur les Africains de la diaspora hautement qualifiée, et des partenariats institutionnalisés avec des instituts et des gouvernements à l'étranger. L'idée a été accueillie avec enthousiasme dans plusieurs forums consacrés à la science et la technologie en Afrique et pourrait être mise en œuvre afin de rassembler les meilleurs cerveaux nationaux dans un domaine donné, en vue de résoudre de problèmes régionaux ou nationaux, comme dans le cas de l'Ebola en 2014...

Mehdi Lahdidi

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Commentaire 1
à écrit le 15/04/2017 à 16:43
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"Palier au" n'est pas francais

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